Du 1er mars au 1er juin, Les Franciscaines de Deauville présentent une exposition sur Sebastião Salgado en puisant dans les archives de la Maison européenne de la Photographie. Retour sur les cinquante ans de carrière du photographe, devenu un représentant emblématique de la courant humaniste et documentaire contemporain.
Sebastião Salgado est une figure incontournable de la photographie humaniste contemporaine. Depuis plus de cinquante ans, son objectif capture les profondes mutations de notre époque, explorant à la fois les enjeux anthropologiques et écologiques qui redessinent notre monde. À travers ses images, il a témoigné des bouleversements sociaux, des migrations massives, des conditions de travail extrêmes, mais aussi de la beauté brute et fragile de la Terre. Sa photographie, immédiatement reconnaissable, se distingue par une palette en noir et blanc baignée de lumière, conférant à ses sujets une dimension presque intemporelle. Les projets de Salgado ont souvent eu une portée monumentale. Ce sont des recherches documentaires menées sur plusieurs années en s’appuyant sur une étude approfondie et une politique réfléchie. Son travail a le pouvoir de sensibiliser le public à des réalités souvent invisibilisées. L’exposition présentée par la Maison européenne de la Photographie offre une rétrospective de son œuvre, condensant cinq décennies d’engagement à travers une sélection issue de son fonds photographique. Déclinée en deux parties, elle propose un voyage à travers son regard, entre témoignage des souffrances humaines et célébration des territoires encore préservés. Le premier parcours de l’exposition est consacré aux travaux de photographe engagé dans les causes humanitaires et il est suivi d’un deuxième focus autour de son projet Genesis, un hommage à la beauté et à la fragilité d’une planète qu’il est vital de préserver.
Une vision du monde profonde et sensible
Sebastião Salgado et Lélia Wanick Salgado se sont engagé·es à rendre visibles les drames socio-politiques à travers le monde. En couple depuis le début de cette aventure, les deux donnent vie à un fonds photographique considérable. L’exposition aux Franciscaines dédie une grande partie de l’espace à la découverte des reportages majeurs signés par Salgado. Des images issues de ses débuts, dans le milieu des années 1970, lorsqu’il parcourt l’Afrique en tant que photojournaliste. Il couvre la guerre en Angola et au Sahara espagnol, puis la crise du Sahel en 1984-1985. Aux côtés de Médecins sans frontières, il documente la situation au Mali, au Tchad, en Éthiopie, au Soudan et en Érythrée. Ces images marquent durablement l’opinion internationale. Il explore ensuite la Sierra Madre mexicaine, partageant le quotidien de communautés isolées. Publié en 1986 par Contrejour, Autres Amériques est son premier livre, devenu une référence des années 1980. Parmi les travaux documentaires les plus importants, figure sa série sur les garimpeiros (chercheur·ses d’or, ndlr), mettant en lumière l’extraction de l’or dans la mine de Serra Pelada, située dans l’État brésilien du Pará. Les ouvrier·ères y transportaient sans relâche de lourds sacs de boue, dans l’espoir hypothétique d’y trouver ce métal précieux. Les images dénoncent avec force l’exploitation humaine, la misère palpable et les ravages d’un capitalisme effréné qui met à genoux certaines populations, exploitées et soumises à des dynamiques coloniales. Avec le même acharnement, il dénonce les incendies colossaux des puits de pétrole qui ont éclaté après la guerre du Golfe, libérant dans les airs des flots de pétrole brut, tandis que la majorité des puits projetaient des torrents de flammes à plus de vingt mètres de hauteur. Une catastrophe qui mettra plus d’un an à être endiguée. Avec cette exposition, on retrace non seulement la carrière d’un photographe, mais aussi le travail de Lélia Wanick Salgado, directrice de leur fondation, avec qui il a tout entrepris. Leur collaboration indissociable a façonné chaque projet, donnant à cette œuvre une cohérence remarquable.