Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Lassé de la surproduction d’images, Karl Alexander Herrmann est convaincu d’une chose : il est nécessaire de supprimer ses clichés.
Architecte de formation, Karl Alexander Herrmann, installé à Baden-Baden, en Allemagne, a découvert la photographie grâce à la chambre noire de son oncle. Si l’arrivée du numérique le pousse d’abord à se désintéresser du 8e art, la surproduction d’image des dernières décennies l’inspire. « Il fallait simplement que je trouve la méthode appropriée à mes créations », précise-t-il.
Intuitif, l’artiste construit un monde sombre et flou où les silhouettes et les objets se tordent, s’étirent vers l’infini. Presque picturales, ses images semblent projeter des échos d’un autre espace-temps. Des tableaux abstraits reflétant la part cachée de notre environnement. « Je m’intéresse au mouvement. Le résultat n’est pas un simple effet, mais une manière de rendre visible ce que l’on ne perçoit pas à l’œil nu. Mes clichés proviennent d’un univers parallèle – je ne crois pas que seul le visible existe », confie le photographe.
Une véritable photo doit s’imposer comme une évidence
C’est dans la multitude que l’œuvre de Karl Alexander Herrmann fleurit. « J’ai longtemps rejeté l’appareil numérique, parce qu’il promettait de produire un flux incessant d’images. Il m’a donc fallu trouver une solution à ce problème : je prends des centaines de photos en une seule session, de manière instinctive, pour n’en garder que très peu », explique-t-il. Avec ironie, l’artiste inverse ce rapport à la consommation d’images. Qu’est-ce qu’une bonne photographie ? Comment peut-elle se démarquer, dans cette marée visuelle ? « Elle doit être complètement cohérente. Je fais mon choix en quelques secondes. Une véritable photo doit s’imposer comme une évidence – sinon elle n’en vaut pas la peine », constate le photographe.
Fantomatiques, ses créations deviennent des œuvres hors du temps. Influencé par les techniques contemporaines, l’artiste s’amuse à ne laisser aucune trace du présent dans ses compositions. Comme pris à l’arraché, ses clichés témoignent d’un instant, aussi bref qu’intense. Un moment figé seulement par son objectif, en appuyant sur le déclencheur à répétition. « Être photographe revient pour moi avant tout à supprimer des images – il se peut d’ailleurs que j’aie déjà supprimé mes plus beaux travaux », conclut-il avec humour.
© Karl Alexander Herrmann