Au cœur de Prabert, dans la région grenobloise, Thomas Rousset immortalise une fable surréaliste avec comme protagonistes, les habitant·es de ce hameau agricole. Prenant la forme d’un livre, Prabérians illustre avec tendresse les us et coutumes propres à la vie rurale.
Au pied du massif de Belledonne, non loin de Grenoble, se situe le petit village de Prabert. Là-bas, les habitant·es ne se comptent que par dizaines et leur principale activité se concentre sur l’agriculture. Dans ce cadre naturel où il a passé une partie de son enfance, Thomas Rousset puise son inspiration afin de raconter une histoire aussi réaliste que fantasque autour de la vie quotidienne du hameau. « J’ai scruté les moindres recoins de la ferme familiale pendant des années, parfois cela devenait comme une obsession. Mon travail décrit le quotidien d’une communauté fictive perdue dans le temps et l’espace », rapporte-t-il. Désormais installé à Lausanne, en Suisse, le photographe assemble des mises en scène insolites, des portraits farfelus, des natures mortes et même des clichés architecturaux pour composer une sorte de fable. Au fil des pages de cette docufiction, les lecteurices se laissent happer par une ambiance aussi tendre qu’illusoire. « Il y a un terme qui résume très bien mon approche photographique, c’est la notion du réalisme magique qui rend compte d’éléments considérés comme magiques, surnaturels ou irrationnels surgissant dans un environnement considéré comme réaliste », précise l’artiste né en 1984.
En 2005, après un début en études de commerce peu convaincant, Thomas Rousset rejoint les rangs de l’ECAL, l’école cantonale d’art de Lausanne. Il s’intéresse alors sérieusement au médium grâce aux cours photo dispensés qui se sont avérés être rapidement ses préférés. Titulaire désormais d’un bachelor en communication visuel, l’artiste a fait du 8e art son métier. En parallèle de sa pratique artistique, il réalise diverses commandes pour des marques et magazines notamment dans le domaine du luxe à Paris, Londres et Milan. Bien que sa carrière lui ait permis de s’émanciper du petit village montagneux familial, l’auteur ne renie pas pour autant ses origines. Prabérians, sa première monographie, dévoile un récit où la magie s’empare de la vie quotidienne, mais rend également hommage au travail acharné et perpétuel de son entourage.
Une histoire de famille
« Mon cousin, personnage essentiel de mon projet qui a repris l’exploitation agricole, a toujours eu un attrait très fort pour les machines et les outils. Il s’est mis à les chiner dès le plus jeune âge dans les fermes alentours, à les collectionner, les stocker, les réparer. Cela va dans le sens inverse de l’industrialisation forcée qu’ont vécu les paysans depuis la seconde guerre mondiale avec cette course effrénée vers une production de masse », constate Thomas Rousset. À l’instar de son cousin qu’il définit comme sa « muse », le photographe construit ses propres décors et objets à l’aide de matériaux récoltés de ci et de là. Une chaise à bascule sur le dos d’un âne duveteux ou une sculpture de tracteur réalisée à partir de bottes de paille… Les mises en scène de l’artiste nous plongent dans un univers pittoresque. Il explique : « j’avais envie de créer un microcosme indépendant vivant en autarcie, protégé par ses montagnes. »
La réalisation de Prabérians a permis au photographe de faire de belles rencontres. Comme « Tintin », un homme de prime abord rustre qui est devenu l’un de ses modèles. « En arrivant devant sa maison, un volet s’est entrouvert et le canon d’un fusil est sorti et s’est mis a nous pointer. Il n’était pas très enclin à converser avec nous. Après un petit moment de négociation, il a baissé sa garde et nous a accueillis chez lui. Il était 10h30 du matin, il a ouvert une bouteille de blanc et nous avons discuté. Il était très ému et je pense heureux de pouvoir partager des anecdotes sur son passé », se remémore l’artiste. À l’heure où les médias n’ont d’yeux que pour l’individualisme des grandes villes, Thomas Rousset se concentre à offrir des instants de vie sincères. Qu’ils soient réels ou imagés, ses clichés réchauffent le cœur et rappellent, à certain·es, de tendres souvenirs d’enfance, dans des champs de blé où galopent quelques troupeaux de vaches ou de moutons.
160 pages
58 euros