Un ovni dans le ciel d'Anika Spereiter

28 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Un ovni dans le ciel d'Anika Spereiter
© Anika Spereiter. A Myth in the Making.
A Myth in the Making © Anika Spereiter

Dans son livre autoédité A Myth in the Making, Anika Spereiter sonde la psychologie de celles et ceux qui croient aux ovnis. De ces légendes non démenties par le corps scientifique, elle explore la fine ligne entre réalité et fiction, et mène une quête visuelle sur les peurs collectives de l’humanité et sur son propre désir d’évasion

Forêt vaporeuse, nuit étoilée, télévision grésillante, figure extraterrestre… L’étrange pèse au-dessus de chaque image de la photographe allemande Anika Spereiter. Si l’artiste a toujours été fascinée par le surnaturel, tel que la magie, les vampires ou les fantômes, les mythes autour des ovnis (objets volants non identifiés, ndlr) et les aliens se sont révélés être un sujet aux multiples explorations. « Ce qui est particulièrement intéressant avec les observations d’ovnis, c’est que malgré le manque de preuves crédibles, la science ne peut pas exclure leur existence », explique-t-elle. Le simple fait qu’il pourrait y avoir d’autres formes de vie ailleurs que sur notre planète « ouvre le champ des possibles de l’imagination humaine » selon l’autrice. Ces hypothèses un tantinet probables, auxquelles nombreux·ses croient, poussent Anika Spereiter dans une quête photographique. Elle se pose une question : « Pourquoi souhaitons-nous y croire ? » La série A Myth in the Making se dessine alors peu à peu dans son esprit.

Une drôle de psychologie

Anika Spereiter poursuit sa recherche sur les ovnis pour constituer son travail photographique. Sur ce chemin, un ami lui glisse entre les mains le livre Flying Saucers: A Modern Myth of Things Seen in the Skies (1959), écrit par le psychanalyste suisse Carl Gustav Jung, où il examine la psychologie derrière l’observation des ovnis. « J’ai trouvé cet ouvrage très instructif, car l’auteur prenait au sérieux les personnes qui rapportaient avoir vu des ovnis, au lieu de les balayer d’un revers de main en disant qu’il s’agissait d’une imagination débordante », raconte-t-elle. Selon Carl Gustav Jung, l’attrait pour les objets volants non identifiés reflète les craintes profondément ancrées dans la psyché humaine. Dans les années 1950, il remarque par ailleurs une augmentation de signalements d’ovnis, indiquant « la peur collective de l’humanité d’être à la merci d’une puissance supérieure », décrit la photographe. Elle rappelle que cette période coïncide avec la fin de la Seconde Guerre mondiale qui a laissé des traumatismes communs violents, ainsi qu’avec le début de la guerre froide, qui annonçait une époque de troubles et d’incertitudes. « Jusqu’à aujourd’hui, les statistiques montrent que les observations d’ovnis sont en hausse dans le monde entier en temps de crise. En Allemagne, par exemple, leur nombre a presque doublé entre 2022 et 2023 », ajoute l’autrice.

A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter

Chercher l’alien

C’est en Allemagne, dans la région où Anika Spereiter a grandi, que A Myth in the Making prend vie. Habitant à Berlin, l’autrice loue une voiture et commence les allers-retours entre la capitale et sa terre natale. Accompagnée de quelques ami·es, durant ses voyages, elle capture avec son appareil photo moyen format ses errances nocturnes dans la nature et ses balades à travers les feux de forêt. « Pour chercher l’extraterrestre, je me suis appuyée sur ce qui m’était familier », confie l’artiste, soit un lieu qu’elle connaît, une personne de son entourage. Ses images en noir et blanc nous transportent dans un monde aux contours irréels, aux textures qui pourraient être celles d’une planète alien. « Je suppose que la photographie a la capacité de donner vie à des mondes imaginaires. Moi, j’essaie plutôt de transformer une atmosphère en quelque chose de tangible », soutient la photographe. Cette série est aussi une façon pour l’artiste de contenter son besoin d’évasion, de retrouver les forêts et les montagnes avoisinant sa maison d’enfance. Peut-être pouvait-elle le faire en se plongeant dans l’univers des ovnis qui titube entre mythes et réalités ? « Je n’ai jamais eu l’occasion d’apercevoir un ovni, mais chaque fois que je contemple un ciel étoilé, une petite partie irrationnelle de moi espère discrètement en voir un », avoue-t-elle.

L’extraterrestre qu’elle cherchait, Anika Spereiter l’a possiblement trouvé. En 2022, elle autoédite son livre A Myth in the Making, via le procédé de la risographie, qui ajoute à l’image beaucoup de grain. « Cela donne de la texture à la narration et me rappelle les journaux d’époques qui font écho aux théories qui entourent les ovnis », conclut la photographe.

A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter
A Myth in the Making © Anika Spereiter
À lire aussi
Port Talbot : la ville galloise qui fascinait les extraterrestres
© Roo Lewis
Port Talbot : la ville galloise qui fascinait les extraterrestres
Dans Port Talbot UFO Investigation Club, Roo Lewis part à la découverte d’une petite ville galloise, berceau de nombreuses apparitions…
02 septembre 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Ludovic Sauvage : quand la science-fiction et la poésie cohabitent
© Ludovic Sauvage
Ludovic Sauvage : quand la science-fiction et la poésie cohabitent
Jusqu’au 1er décembre 2024, le Studio de la MEP accueille Late Show, une exposition de l’artiste Ludovic Sauvage. En jouant avec la…
01 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Explorez
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Sous le soleil arlésien, nous avons rencontré Lee Shulman et Thomas Lélu à l’occasion de la sortie de Couldn’t Care Less. Pour réaliser...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
© Ecaterina Rusu / Instagram
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
Photographier signifie souvent montrer, dévoiler, révéler. Pourtant, il arrive que ce qui se trouve de l’autre côté de l’objectif ne...
09 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Simon Baker quitte la direction de la Maison européenne de la photographie
© Marguerite Bornhauser
Simon Baker quitte la direction de la Maison européenne de la photographie
Ce lundi 8 septembre 2025, la Maison européenne de la photographie a annoncé le départ de Simon Baker, son directeur, après sept années...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les photographes montent sur le ring
© Mathias Zwick / Inland Stories. En jeu !, 2023
Les photographes montent sur le ring
Quelle meilleure façon de démarrer les Rencontres d’Arles 2025 qu’avec un battle d’images ? C’est la proposition d’Inland Stories pour la...
02 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
5 coups de cœur qui témoignent d'un quotidien
I **** New York © Ludwig Favre
5 coups de cœur qui témoignent d’un quotidien
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
15 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 8 septembre 2025 : amour et déplacements
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Les images de la semaine du 8 septembre 2025 : amour et déplacements
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, l’amour et les déplacements, quels qu’ils soient, ont traversé les pages de Fisheye. Ceux-ci se...
14 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
13 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
© Arpita Shah
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
À travers sa série Nalini, la photographe indo-britannique Arpita Shah explore l’histoire de sa famille et des générations de...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas