Un récit écrit sur les corps

24 janvier 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Un récit écrit sur les corps

Avec Bi-chromie, le photographe corse Marc Fournier Casabianca transforme le nu artistique et tente de représenter la complexité des relations humaines.

Alors qu’il se prépare à devenir infirmier – « des études qu’[il] n’aimait pas » – Marc Fournier Casabianca s’échappe de son quotidien grâce à la photographie. En 2013, il intègre finalement l’école Louis Lumière et travaille, depuis, en tant qu’artiste auteur. Dès ses premiers projets, la relation à l’autre, la connexion humaine l’inspirent. « Les travaux auxquelles je me suis consacré sont nés d’événements marquants, ou de rencontres qui ont eu une profonde influence sur ma vie », précise-t-il. De l’intime au social, il construit des récits sensibles, interrogeant les notions d’identités et d’appartenance culturelle.

Série atypique à la croisée des arts, Bi-chromie a vu le jour suite à une cassure dans la vie du photographe. « Ces images étaient initialement envisagées comme un hommage, un exorcisme sentimental après une rupture particulièrement difficile », confie-t-il. Mélange d’images, de peinture et d’écrits littéraires, le projet forme une collection d’instants intimes, vulnérables, partagés entre deux êtres. Un lien amoureux, amical ou simplement affectueux. « Les modèles étaient initialement des personnes avec qui j’ai partagé une histoire sentimentale. Au fil du temps, ma partenaire actuelle, des amies et même des inconnues se sont ajoutées », explique-t-il.

© Marc Fournier Casabianca

Une lettre d’amour aux femmes

Conçue comme une œuvre globale, chaque image capture les courbes d’un corps féminin, d’un regard assuré à un dos anonyme. « Je réalise l’ensemble, du développement (la majorité des photos sont argentiques) au traitement de l’image afin de la retirer sur un papier kraft, en passant par la peinture et, la dernière étape, l’écriture », explique Marc Fournier Casabianca. De ce travail méticuleux jaillissent des pièces uniques, à l’image des sujets qu’il représente. Si l’artiste ne nie pas la dimension sensuelle de ses créations, il prône une certaine honnêteté, une liberté de la part de ses modèles. « Nous avons partagé une histoire, une attirance, de l’amour, mais aussi des déchirements, des incompréhensions, des ratés de communication… La liberté intervient dans la démarche mutuelle de donner à voir ces images, et ce qu’elles comportent de beau », déclare-t-il.

À travers Bi-chromie, l’auteur écrit une véritable lettre d’amour aux femmes. Celles qui l’ont accompagné comme celles qu’il croise. Un récit écrit sur les corps à l’aide des mots de plusieurs auteurs – que l’artiste souhaite garder secret – révélant les failles comme les moments d’allégresse. En transformant ainsi le nu artistique, Marc Fournier Casabianca donne une profondeur à ses clichés. Une volonté d’expliciter les mécanismes complexes d’une interaction entre deux êtres. Transformées par la gouache et la calligraphie, les femmes, quant à elles, s’abandonnent face à l’objectif, racontant leur propre histoire avec une assurance plaisante.

© Marc Fournier Casabianca

© Marc Fournier Casabianca

 

© Marc Fournier Casabianca© Marc Fournier Casabianca

© Marc Fournier Casabianca© Marc Fournier Casabianca

© Marc Fournier Casabianca

Explorez
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
© Éléa-Jeanne Schmitter
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
Die Tore – en allemand, « les portes » – a été publié dans le livre On Death édité par Humble Arts Foundation et Kris Graves Projects...
03 juin 2025   •  
Écrit par Milena III
Les coups de cœur #545 : Rose Guiheux et Maksim Semionov
Melvin and Milan's room, 2024 © Rose Guiheux
Les coups de cœur #545 : Rose Guiheux et Maksim Semionov
Rose Guiheux et Maksim Semionov, nos coups de cœur de la semaine, explorent l’individu dans son rapport à l’autre et à l’espace. Abordant...
02 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote...
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Katrin Koenning et le deuil partagé du vivant
© Katrin Koenning, between the skin and sea / Courtesy of the artist and Chose Commune
Katrin Koenning et le deuil partagé du vivant
Photographe établie en Australie, Katrin Koenning signe between the skin and sea, un livre bouleversant paru chez Chose Commune en 2024....
27 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Beat Hotel, 9 rue Gît-le-Coeur, Chambre 41. Thelma Shumsky, scientifique américaine et son amie suédoise Gun, 1957 © Harold Chapman (TopFoto, Roger Viollet)
L’image comme manifeste au Moulin Blanchard
Le Moulin Blanchard rappelle que l’art peut encore être une arme intime et révoltée. Rien d’exhaustif : soixante ans après la Beat...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
© Thalía Gochez
Les Mesnographies 2025 : la sororité comme cri de ralliement
Du 7 juin au 14 juillet 2025, le festival Les Mesnographies revient pour une cinquième année dans le parc municipal des Mesnuls. Une...
04 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
© Éléa-Jeanne Schmitter
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
Die Tore – en allemand, « les portes » – a été publié dans le livre On Death édité par Humble Arts Foundation et Kris Graves Projects...
03 juin 2025   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
© Ada Retegan / Instagram
La sélection Instagram #509 : promenade abracadabrantesque
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine convoquent l’étrange. Déformation, fuite de couleurs, surréalisme, chacun·e...
03 juin 2025   •  
Écrit par Marie Baranger