Une étrange histoire du sud

16 juin 2016   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Une étrange histoire du sud
Rosie Brock n’a que 20 ans, est encore étudiante à la School of Visual Arts de New York et a déjà un regard très prometteur. Imprégnée d’une enfance passée en Floride, nourrie de littérature et de cinéma, sensible aux souvenirs hérités du passé, Rosie nous livre ici une très belle série, “Bone, Flesh, Memory”. Entretien.

Fisheye Magazine : Pourquoi es-tu devenue photographe ?

Rosie Brock : J’ai commencé à prendre des photos à l’âge de 15 ans et depuis je n’ai pas cessé d’être passionnée par ça. Devenir photographe semble être le seul chemin de carrière à suivre – et le plus naturel.

Quelle est l’histoire de ta série Bone, Flesh, Memory ?

Bone, Flesh, Memory est une série narrative toujours en cours, qui se situe quelque part dans le domaine du genre gothique méridional. Il n’y a pas de véritable intrigue linéaire dans ce travail; mon but est de créer un fort sentiment d’humeur, aussi bien qu’une vague atmosphère qui chancelle à la frontière du familier et de l’inquiétant.

rosie-brock-fisheyelemag-1rosie-brock-fisheyelemag-2rosie-brock-fisheyelemag-3rosie-brock-fisheyelemag-4rosie-brock-fisheyelemag-5rosie-brock-fisheyelemag-6rosie-brock-fisheyelemag-7rosie-brock-fisheyelemag-8rosie-brock-fisheyelemag-9rosie-brock-fisheyelemag-10rosie-brock-fisheyelemag-11rosie-brock-fisheyelemag-12rosie-brock-fisheyelemag-13rosie-brock-fisheyelemag-14rosie-brock-fisheyelemag-15rosie-brock-fisheyelemag-16rosie-brock-fisheyelemag-17rosie-brock-fisheyelemag-18rosie-brock-fisheyelemag-19rosie-brock-fisheyelemag-20rosie-brock-fisheyelemag-21rosie-brock-fisheyelemag-22

Est-ce un travail fictif ou documentaire ?

La narration est partiellement fictive. Mon intention est de créer une histoire qui, bien qu’influencée par mes propres souvenirs et expériences du sud, est une construction plutôt qu’une vision non altérée de la réalité. J’ai été certainement influencée par la tradition de la photographie documentaire, mais je trouve que créer et imaginer une narration est plus intéressant.

Qu’est-ce qui a inspiré Bone, Flesh, Memory ?

Mon enfance passée dans la Côte du Golfe de Floride façonne l’essentiel de tous mes centre d’intérêts visuels actuels. De cinq à treize ans, j’étais dans une école catholique privée; il y avait là-bas une vraie dichotomie entre la sécurité de l’encadrement religieux et l’aspect général, bizarre et miteux, de la culture environnante de la Côte. Avec le recul, je m’aperçois que l’écart et la connexion entre les différentes facettes de la communauté où j’ai grandi ont beaucoup influencé mes façons d’observer et de penser. De plus, la littérature et les récits filmiques sont d’importantes influences dans mon travail. La littérature du Sud – telles que les histoires de Sherwood Anderson, Eudora Welty et William Faulkner – a fait croître mon intérêt pour cette région, mais aussi pour les expériences spécifiques propres à certains endroits et aux personnages qui y résident. J’ai aussi été très inspirée par les documentaires sur le crime, en particulier la trilogie de Paradise Lost.

Que cherches-tu alors à exprimer avec ce travail  ?

Je cherche à montrer à quel point, souvent, il y a une forte dramaturgie derrière les apparences ordinaires.

Où as-tu réalisé ces images ?

Toutes ces photos ont été réalisées en Virginie, dans le Tennessee, en Géorgie ou dans la Caroline du Sud.

Extrait de "Bone, Flesh, Memory" / © Rosie Brock
Extrait de “Bone, Flesh, Memory” / © Rosie Brock

Quel est l’impact de ces lieux sur ta façon de photographier ?

L’endroit où je shoote influence énormément l’humeur et l’atmosphère psychologique des images produites. La plupart des lieux représentés dans Bone, Flesh, Memory sont des coins sur lesquels je suis tombée durant mes road-trip et qui m’ont instantanément intrigués. Quand je découvre au hasard un cadre qui m’est visuellement attrayant, d’ordinaire c’est parce qu’il déclenche un souvenir. Ça me permet d’insuffler un peu de moi-même dans un endroit étranger.

Quel boîtier utilises-tu pour cette série ?

J’utilise un Hasselblad 500cm.

Pourquoi avoir choisir de réaliser des images au format carré ?

J’ai toujours été attirée par l’imaginaire de ce format. Je pense par exemple aux travaux d’Alessandra Sanguinetti, de Maude Schuyler Clay et de Lara Shipley. J’ai utilisé l’Hasselblad pour la première fois l’an dernier et j’ai été instantanément fan du rapport d’image; quand je compose une photographie, mon esprit envisage toujours l’image sous l’aspect carré.

Selon toi, quelle est la photo la plus emblématique de Bone, Flesh, Memory ?

Celle de la jeune femme assise sur une chaise, faisant face à un grillage. Il y a dans cette photo une sorte d’ambiguïté et de tension, que je m’évertue à traduire dans chaque image.

Extrait de "Bone, Flesh, Memory" / © Rosie Brock
Extrait de “Bone, Flesh, Memory” / © Rosie Brock

Propos recueillis par Marie Moglia

En (sa)voir plus

→ Découvrez l’ensemble du travail de Rosie sur son site : www.rosie-brock.com

→ Suivez la sur Instagram : @rosie_brock

Explorez
Antoine Boissonot sur sa Loire intérieure
L'eau du fleuve parle à celui qui écoute © Antoine Boissonot
Antoine Boissonot sur sa Loire intérieure
Antoine Boissonot embarque sur la Loire à bord d’un canoë pour un voyage photographique introspectif. Se laissant porter sur l’eau...
07 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Issei Suda, chroniqueur d’un Japon entre deux mondes
© Issei Suda
Issei Suda, chroniqueur d’un Japon entre deux mondes
Le Centre de la photographie de Mougins présente, jusqu'au 8 juin 2025, une exposition sur le photographe japonais iconique Issei Suda.
29 avril 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Stefan Dotter, dans le sillage des femmes de la mer
© Stefan Dotter
Stefan Dotter, dans le sillage des femmes de la mer
Photographe allemand installé à Tokyo, Stefan Dotter signe, avec Women of the Sea, une immersion sensible au cœur d’une tradition...
25 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
11 séries photographiques qui mettent le Brésil à l’honneur
© Alice Quaresma
11 séries photographiques qui mettent le Brésil à l’honneur
L’année 2025 est marquée par la saison France-Brésil. Ce programme a pour ambition de renforcer les liens entre les deux pays en nouant...
23 avril 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Daniel Obasi : l'étoffe de la révolte
Beautiful Resistance © Daniel Obasi
Daniel Obasi : l’étoffe de la révolte
À Lagos, Daniel Obasi, 30 ans, met en lumière les communautés marginalisées du Niger à travers une mode émancipatrice et...
08 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Santé mentale et photographie : 22 séries qui expriment les maux
© No Sovereign Author
Santé mentale et photographie : 22 séries qui expriment les maux
La santé mentale est la grande cause de l’année 2025 en France. Pour cette occasion, la rédaction de Fisheye vous invite à (re)découvrir...
07 mai 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Antoine Boissonot sur sa Loire intérieure
L'eau du fleuve parle à celui qui écoute © Antoine Boissonot
Antoine Boissonot sur sa Loire intérieure
Antoine Boissonot embarque sur la Loire à bord d’un canoë pour un voyage photographique introspectif. Se laissant porter sur l’eau...
07 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger