« Cette image, pour moi, elle montre à quel point le quotidien peut basculer d’un coup, à quel point la PMA vient s’immiscer dans notre intimité. »
108 pages
45 €
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Valentine de Villemeur. La photographe a consigné le parcours de sa procréation médicalement assistée (PMA) dans I’ve Always Wanted to Be a Mom, un ouvrage qui sort ce mois-ci aux éditions Four Eyes. Pour Fisheye, elle revient sur un tirage qui témoigne de la place que prend une telle entreprise dans le quotidien.
Il y a quelques mois, nous vous faisions découvrir I’ve Always Wanted to Be a Mom qui, après une première présentation à Arles, est désormais disponible en librairie. À travers cet ouvrage, Valentine de Villemeur raconte le parcours de procréation médicalement assistée auquel elle a dû avoir recours afin d’assouvir son désir d’être mère. Si cette expérience, documentée selon une approche autobiographique, est particulièrement intime, elle témoigne pourtant de la réalité de plus en plus de femmes en France. Au fil des pages se déploie ainsi une histoire sensible et bouleversante dans laquelle beaucoup se reconnaîtront. Dans un enchevêtrement de portraits aux nuances douces, d’archives ancrées dans la froideur du processus et de textes personnels, les doutes et surtout la résilience émergent tour à tour. Aujourd’hui, la photographe nous parle d’une image de son réfrigérateur qui en dit long sur la place qu’occupe une PMA dans le quotidien de celles qui l’entreprennent.
Une nouvelle routine
« C’est l’une des premières images que j’ai prises au début de notre parcours PMA. Après des mois d’attente liés à l’interruption médicale de grossesse, il nous avait fallu patienter encore un peu avant de pouvoir entamer ce nouveau chapitre. Puis, enfin, le moment est arrivé.
Quelques jours avant de faire cette photo, je suis allée chez le gynécologue qui m’a gentiment remis l’ordonnance avec tous les traitements à prendre. En parallèle, on m’a expliqué comment allait se dérouler les prochaines semaines. En sortant du rendez-vous, je suis directement allée à la pharmacie pour commander les injections. Il y en avait tellement que j’ai dû venir les chercher en plusieurs fois.
Le jour où j’ai pris cette photo, la pharmacie m’a appelée pour me dire qu’une première partie des médicaments était prête, que je pouvais venir les récupérer. J’y suis allée, et je suis rentrée chez moi avec trois gros sacs remplis de boîtes. Comme les traitements devaient absolument être gardés au frais, je me suis dépêchée de les mettre dans le frigo. Mais il était plein, car je venais de faire les courses. J’ai alors commencé à vider les étagères, à faire de la place, et j’ai fini par les ranger en haut. L’étagère s’est remplie à une vitesse folle. Je me suis retrouvée là, devant ce frigo plein de médicaments, un peu dépassée. Et c’est à ce moment-là que j’ai eu envie de prendre une photo.
Cette image, pour moi, elle montre à quel point le quotidien peut basculer d’un coup, à quel point la PMA vient s’immiscer dans notre intimité. Elle montre aussi à quel point ce parcours prend de la place, au sens propre comme au figuré. Pendant des semaines, tous les soirs à la même heure, il faut se piquer le ventre. Ce geste, qui au départ me faisait peur, est devenu une routine, presque un automatisme, un nouveau rythme qui vient remplacer celui d’avant. À ce moment-là, je ne me rendais pas encore compte de l’importance que tout ça allait avoir sur ma façon de voir les choses. Mais cette photo, ce moment-là, ça marque pour moi un changement. À partir de là, ces piqûres allaient compter et allaient faire partie de notre histoire et de notre quotidien. »