Entre Marseille et la Tunisie, Yosra Farrouj développe un imaginaire méditerranéen, comme la tentation poétique d’une nouvelle mythologie.
Nombreuses sont les muses qui veillent aux créations de la jeune photographe Yosra Farrouj. Des survêts’ qui sèchent dans une maison, à une terrasse de Tunis, jusqu’aux grands ensembles de Marseille, la lumière est rasante, la chaleur perceptible. Mais si l’image touche, émeut, rend l’impression puissante d’une voix qui déclame, la douceur des clichés est trompeuse. Car Yosra Farrouj explore dans son travail une forme subtile de précision, née d’un véritable amour de la contrainte qui la pousse à imaginer des compositions à la fois explicites et minimalistes : « Je viens des quartiers nord de Marseille, où j’ai grandi en observant deux perspectives : soit tu vois l’ensemble — les immeubles, le béton — soit tu te concentres sur les détails — les gens, les regards. J’ai choisi la deuxième » explique-t-elle. Son regard, façonné par les questions d’identité — « suis-je capable de trouver un équilibre entre la femme, musulmane, arabe, artiste, entrepreneuse, fille de quartier ? » — se pose sur un monde familier aux deux rives de la méditerranée, tour à tour poétique et engagé, mais toujours vibrant. « La sensibilité et les émotions sont au cœur de mon travail, tout comme la complexité du monde. C’est un sacré mélange Pantone beige ! » s’amuse-t-elle. Beige, donc comme la signature d’un travail délicat, accrochant dans la lumière du couchant deux femmes jouant au foot sur un terrain désert, ou le carré d’un drap comme le drapeau tendu d’une terre occupée. « Le beige pour l’imperfection douce, poursuit-elle. Pas le Blanc, plutôt sa version usée, la version qui a vécu, et c’est ce que j’aime. » Comme une couleur chantante, pour déclamer des mots, calligraphie visuelle, à la faveur du ciel et de l’œil qui les voit.