Le Centre Wallonie-Bruxelles accueille Rêver. Une exposition invitant quinze photographes internationaux à s’exprimer autour des notions d’illusion et de réalité.
Le rêve, notion aussi intime qu’universelle, est un thème qui a inspiré de nombreux artistes. Qu’il désigne le monde des songes ou celui de l’espoir, il représente le fantasme, l’inaccessible. Mais comment l’interpréter par la photographie ? Comment le 8e art, considéré comme le médium du réel, représente-t-il l’imaginaire ? Au cœur de l’exposition Rêver, quinze photographes internationaux confrontent leur interprétation personnelle de l’illusion, en explorant les multiples facettes du rêve.
Le parcours est libre, au sein du Centre Wallonie-Bruxelles, et invite le visiteur à errer de salle en salle, à son propre rythme. Un itinéraire dénué de sens, rappelant celui des songes. Un cabinet de curiosités en plein milieu de l’exposition, véritable méli-mélo de créations, déploie des œuvres qui semblent jetées sur les murs, mêlant photographies, dessins, peintures, affiches, cadres précieux et feuilles fragiles. Un désordre fascinant et immersif : il évoque les incohérences, la formidable illogique du rêve. Une belle surprise, placée au milieu des images de Didier Bizet, Anne-Sophie Costenoble, Alexandre Christiaens, Sian Davey, Alexandra Demenkova, Jean-François Flamey, Karel Fonteyne, Anne Greuzat, Marc Guillaume, Nick Hannes, Xavier Istasse, Baudoin Lotin, Marie Moroni, Paul Nougé et Jacqueline Roberts.
© Nick Hannes
Entre onirisme et réalité
Au détour d’une salle se trouvent les clichés de Didier Bizet, photographe et directeur artistique, diplômé des Beaux-Arts. Des photos issues de la série Pyongyang Paris. Fasciné par le voyage, et la mélancolie qui s’en dégage, l’auteur s’est aventuré en Corée du Nord, une expérience touristique singulière qu’il fusionne avec des images de la France. Des collages illusoires dans lesquels il introduit la silhouette d’un homme coréen dans des décors extravagants parisiens. « Mes images s’entrecroisent entre Pyongyang et Paris : un va-et-vient qui s’organise autour d’un parallèle fictif. Ce Nord-Coréen si désuet découvre également un Paris « cliché » qui lui rappelle à son insu que l’échappatoire est impossible », explique Didier Bizet. En mêlant deux imaginaires et deux cultures, le photographe construit un univers hybride, aussi poétique qu’absurde.
Un peu plus loin, le visiteur découvre la série Looking for Alice, de la photographe et psychothérapeute Sian Davey. Si l’artiste capture le réel – principalement le quotidien de sa famille – sa relation avec Alice, sa fille trisomique, est profondément symbolique. « Ma fille n’est pas différente des autres êtres humains, elle ressent ce que nous ressentons. Cependant, nos sociétés n’admettent pas cela », déclare la photographe. Anxieuse durant les premières années de son enfant, Sian Davey a rêvé ses peurs. « Je voyais Alice emmaillotée dans une couverture […] je défaisais le paquet serré où elle était nichée pour la nourrir et je découvrais qu’elle était couverte d’un liquide blanchâtre – un liquide de négligence », confie-t-elle. Une vision cauchemardesque qui a rapproché mère et fille, faisant basculer l’onirisme dans la réalité.
Le parcours continue, et mène le visiteur dans une salle sombre, diffusant un court-métrage. Œuvre de Xavier Istasse – artiste pluridisciplinaire –, le film se divise en cinq parties, dont la première, Knokke, est étrange et inquiétante. Les images de la ville belge se fondent les unes dans les autres, sans fil conducteur, rythmées par une bande-son effrayante. Le rêve devient un cauchemar troublant. Puis Spring efface la frayeur, et propose une immersion dans un univers paisible et naturel. La musique jazzy de Wisconsin gomme la douceur et propose un voyage rétro-nostalgique, dans les paysages hivernaux américains. Un décor qui s’assombrit dans Road, pour devenir orageux et menaçant, et où le spectateur observe, depuis la vitre d’une voiture, une vie nocturne agitée. En concluant avec Tropismes – flou poétique, soleil et jeux d’enfants – Xavier Istasse transporte son public dans un rêve agréable. Une expérience immersive fascinante.
Outil psychologique, poésie illusoire ou encore désir d’une vie meilleure, les différents photographes de Rêver déconstruisent la notion d’imaginaire, et créent un univers singulier au fil des salles de l’exposition.
Rêver, Centre Wallonie-Bruxelles
Jusqu’au 19 mai 2019
127-129 rue Saint-Martin, 75004 Paris
© Didier Bizet
© Sian Davey
© à g. Jacqueline Roberts, à d. Anne Greuzat
© Xavier Istasse
© à g. Karel Fonteyne, à d. Aude Maheu
© Jacqueline Roberts
© Anne-Sophie Costenoble
© à g. Alexandre Christiaens, à d. Marie Moroni
© Marc Guillaume
Image d’ouverture : © Sian Davey