Alessandra Caló met en lumière nos aïeules oubliées

22 décembre 2021   •  
Écrit par Ana Corderot
Alessandra Caló met en lumière nos aïeules oubliées

Découverte grâce à sa série Kochan, Alessandra Calò partage, à l’occasion de Regards Croisés, son projet féminin et militant : Les inconnues. Mêlant images d’archives et créations artisanales, sa série fait l’éloge de femmes d’antan que l’histoire a volontairement bridées.

C’est de manière indépendante et autodidacte qu’Alessandra Calo s’est initiée à la photographie. L’artiste italienne, ou « créatrice d’images » – comme elle aime justement se définir – construit depuis plusieurs années une œuvre photographique hybride, à la croisée des arts plastiques, bercée par la thématique du souvenir. « J’utilise des images contemporaines et d’archives (photos, documents, autres matériaux) pour créer une nouvelle vision : comme un état d’esprit inédit combiné à la réalité et non une simple évocation nostalgique du passé », confie-t-elle. Et c’est grâce à cet agrégat de techniques que l’autrice expérimente et réinterprète des œuvres à sa façon, avec l’ambition de présenter des créations intemporelles : « J’utilise des procédés qui traversent les époques, faits à la fois de pratiques anciennes (émulsions chimiques pour imprimer) et plus modernes (création de négatifs numériques pour le tirage par contact) ».

De la nécessité de ne plus oublier

Développant désormais son propre langage artistique, Alessandra Calò dit s’inspirer continuellement des gens qui l’entourent, des évènements tant historiques que quotidiens, mais aussi des émotions – surtout « lorsqu’elles sont vécues intensément ». Avec son nouveau projet Les inconnues, elle aborde la question de mémoire, via des figures féminines évincées des récits historiques. Elle rend hommage en particulier aux deux premières photographes à avoir pris et imprimé seules des photographies : Anna Atkins et Constance Fox Talbot.

Se joignent à ces dernières d’autres intervenantes aux noms quant à eux dissimulés mais aux visages apparents et aux vies fulgurantes : « La présence de ces Inconnues peut être considéré comme le résultat d’une enquête et la tentative de remonter le temps, comme si je voulais entrer en contact avec des femmes de l’histoire de la photographie », explique l’artiste. Au-delà de cette volonté de les remettre au-devant de la scène, Alessandra Calò témoigne également de la nécessité d’une telle intention, et de l’empathie à avoir face à ces portraits. « Dans mes recherches, il existe un langage destiné à suggérer des émotions sans avoir besoin de trop de mots. Je pense que cela nous prouve que le passé conditionne le présent et qu’il devient épaisseur, poids, blessure. Les images sont comme un miroir, où chacun peut trouver quelque chose », ajoute-t-elle.

© Alessandra Calò

© Alessandra Calò

Le médium c’est le message

Toutes issues d’archives qu’Alessandra Calò a pu trouver en ligne, les images de ces femmes ont été retravaillées et ornées d’éléments naturels. Dans un souci constant de faire évoluer ses procédés, l’artiste a décomposé sa série en deux parties complémentaires, présentant les mêmes créations. L’une étant faite d’un simple tirage de papier, et l’autre de tirages spécifiques – réalisés grâce au procédé du calotype – imprimés sur des plaques lumineuses de cristal superposées.

Ici, le processus créatif d’Alessandra Calò contribue à la concrétisation matérielle de sa réflexion symbolique. Autrement dit, grâce à sa composition particulière, elle met littéralement en lumière ces femmes de l’ombre. Parmi ces créations, l’une d’entre elles reste encore énigmatique pour l’artiste (ci-dessus) : « J’ai un sujet très étrange qui en fait ma préférée. J’ai passé beaucoup de temps à développer cette image. À chaque fois mes tirages étaient infructueux, son visage ne se révélait jamais à la chambre noire. Jusqu’à ce qu’elle apparaisse enfin et soit inondée au moment du montage sur la plaque de verre. C’est comme si cette femme voulait faire disparaître à jamais son identité », confie-t-elle. Véritable plaidoyer féminin, Les inconnues célèbre nos ancêtres, celles que l’on a oubliées à tort, et leur redonne, l’espace d’un regard, leur notoriété trop longtemps retirée.

 

Les inconnues d’Alessandra Calò est à retrouver dans le cadre de l’exposition Regards Croisés, jusqu’au 31 décembre prochain, à la Galerie Zola, Cité du Livre, 8-10 Rue Des Allumettes, 13100 – AIX-EN-PROVENCE.

© Alessandra Calò© Alessandra Calò
© Alessandra Calò© Alessandra Calò
© Alessandra Calò© Alessandra Calò

© Alessandra Calò

© Alessandra Calò

Explorez
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
© Madeleine de Sinéty
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
L’exposition Madeleine de Sinéty. Une vie, présentée au Château de Tours jusqu'au 17 mai 2026, puis au Jeu de Paume du 12 juin au 27...
15 décembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
© Sarah van Rij
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes....
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
© Guénaëlle de Carbonnières
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
À la suite d’une résidence aux Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières a imaginé Dans le creux des images. Présentée jusqu’au...
11 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
© Bastien Bilheux
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
Bastien Bilheux et Thao-Ly, nos coups de cœur de la semaine, vous plongent dans deux récits différents qui ont en commun un aspect...
08 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Martin Parr : des photographes de Bristol lui rendent hommage
© Fabrice Laroche
Martin Parr : des photographes de Bristol lui rendent hommage
Consciemment ou non, des photographes du monde entier travaillent sous l’influence de Martin Parr. Mais pour la communauté photographique...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Thomas Andrei
La sélection Instagram #537 : bandes de copines
© Natural Johnson / Instagram
La sélection Instagram #537 : bandes de copines
Dans notre sélection Instagram de la semaine, les artistes célèbrent l’amitié féminine et la sororité. Sur leurs photographies, des...
16 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
© Madeleine de Sinéty
La rétrospective de Madeleine de Sinéty, entre France et États-Unis
L’exposition Madeleine de Sinéty. Une vie, présentée au Château de Tours jusqu'au 17 mai 2026, puis au Jeu de Paume du 12 juin au 27...
15 décembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Les coups de cœur #569 : Axel Pimont et Pierre Leu
© Axel Pimont
Les coups de cœur #569 : Axel Pimont et Pierre Leu
Axel Pimont et Pierre Leu, nos coups de cœur de la semaine, pratiquent avec retenue la photographie de rue. Si les deux cherchent à...
15 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger