Dans le cadre des Rencontres de la jeune photographie internationale, à Niort, nous avons rencontré Emmanuelle Brisson qui expose, au coeur de l’espace d’arts visuels Le Pilori, son travail Les profondeurs du coeur. Un récit familial aussi tendre que poignant.
À Niort, au sein de l’espace Le Pilori, les images d’Emmanuelle Brisson – lauréate de la Quinzaine photo de Nantes et de la Bourse du Talent en 2017 (catégorie portrait) – accrochent notre regard. Face à nous, de poignants portraits d’Andrée, sa mère. « Andrée a 89 ans. Encore debout. Si petite, si mince, si fragile, mais debout. Elle en a bavé, Andrée. Elle a connu la guerre, l’occupation. Elle a vu mourir sa famille. La maladie, la vieillesse. Ils ne sont plus là. Et puis les amours qui s’éloignent. Qui parfois reviennent, ou pas », raconte Emmanuelle qui a dû s’adapter à son modèle. « Elle ne m’accordait que très peu de temps, à son âge, elle fatiguait vite », précise la photographe. En 2016 et pendant deux ans, elle imagine des mises en scène singulières et poétiques, une démarche indispensable dans sa pratique « obsessionnelle » de la photo, « il fallait que je maîtrise l’image dans son intégralité, confie Emmanuelle, et puis, la plupart du temps les images apparaissaient dans mon imaginaire avant d’exister, vraiment. » Hommage ou preuve d’amour ? Difficile de trancher pour la photographe exigeante, qui a veillé, durant tout ce travail, à rester détachée de l’affect, « je ne pouvais me permettre un quelconque écart affectif », raconte-t-elle. Et puis, Andrée demeure une femme très pudique. « Ce serait très beau si ce n’était pas moi », a d’ailleurs commenté la femme devant les clichés de sa fille.
La photographie, une histoire d’héritage
Un récit familial qui a commencé avec son père et ses images des années 1950-60, venues d’Afrique. Dans une pièce dédiée, Emmanuelle présente des photographies de « cet absent magnifique ». Si Emmanuelle a perdu son père à l’âge de 11 ans, elle a conservé quelques archives d’une période de sa vie dont elle ne connaît rien. C’est en tant que photographe qu’elle a décidé de déterrer ces trésors du passé. Une re-connexion filiale sur mesure. Le spectateur peut, entre autres, apercevoir un voile de 2 x 3 mètres. « Il s’agit d’une photo de mon père prise en Afrique dans les années 19060. Je l’ai agrandie et imprimée sur un voile. Je l’ai ensuite installée dans la cité où nous avons vécu », explique Emanuelle. Un moyen de faire « revivre son souvenir ». Ce joli travail fait suite à sa série Double Je exposée à la Villa Pérochon en 2012, un chapitre où elle questionnait déjà son identité.
© Emmanuelle Brisson