Alone Together : Devin Yalkin et la fulgurance des choses

24 août 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Alone Together : Devin Yalkin et la fulgurance des choses
© Devin Yalkin
© Devin Yalkin
© Devin Yalkin

En 2022 – dans Fisheye n°53 – nous avons publié Until Dawn, commande de Devin Yalkin pour le New York Times. Une plongée sulfureuse dans un antre vampirique moderne. C’est pourtant loin de ces soirées érotiques en plein cœur de la Grosse Pomme que l’auteur trouve désormais l’inspiration. Avec Alone Together, il signe un projet plus intime, inspiré par son confinement loin de la ville. Une œuvre qui lui a valu deux expositions récentes, en octobre 2022 et en mai 2023. Aujourd’hui, il alterne entre ces identités complémentaires en préparant la sortie de deux ouvrages : l’un sur la communauté de vampires, et l’autre sur son travail personnel.

© Devin Yalkin

En mars 2020, j’ai laissé derrière moi le chaos de New York pour me reposer auprès de ma famille, dans le South Jersey. J’ignorais alors que cette décision allait profondément altérer aussi bien ma vie intime que ma vision artistique », confie Devin Yalkin. Alors que le monde entier s’enferme pour combattre le virus qui le ravage, que les rues deviennent interdites au public et que les villes se transforment en masses fantomatiques surréalistes, le photographe américain s’immerge dans la nature pour passer son confinement loin des cloisons de béton suffocantes. Là-bas, dans le silence apaisant de la campagne, il ouvre les yeux sur un environnement dont il avait oublié la beauté. «Durant cette quarantaine, j’ai refusé des commandes. Cela m’a permis de m’éloigner de l’intensité urbaine. Cette période solitaire m’a offert une pause méritée, tout en me permettant d’explorer mon approche photographique de manière inédite. J’ai plongé dans l’essence même du médium, en m’exprimant enfin. La quiétude, la tranquillité de l’endroit où je me trouvais sont devenues des sources d’inspiration infinies. Elles m’ont rendu plus sensible au charme des rituels quotidiens, à la splendeur de la simplicité », raconte l’artiste.

La silhouette d’une araignée tissant sa toile, la main d’un enfant caressant un filet, les vols d’oiseaux passant en ombre chinoise devant la lune, un visage ridé se réfugiant à l’ombre d’un mur frais… Jouant avec les échelles comme avec les contrastes, Devin Yalkin use de son esthétique unique pour raconter l’ordinaire. En pleine nature, les insectes se font abstraits, les embrassades intenses, les jeux de lumière dramatiques, comme si l’émotion même des choses s’altérait, loin de la précipitation citadine. Inspiré par ces sensations à fleur de peau, le photographe s’emploie à figer des fragments, des fulgurances qui habitent son esprit – à la manière d’un grain de pollen qui traverserait, au gré du vent, son champ de vision. Ainsi, dans un monochrome caractéristique, il érige un monde à part, révélant « le lien mystique qui unit l’humain à son environnement ». Intuitives, harmonieuses, les images convoquent simultanément l’atmosphère d’un film noir muet où les états d’âme se lisent sur les corps et les visages, et la sensation étrange d’appartenir à un tout atemporel. Privées de couleur, elles reflètent le réel comme le fantasme, chantent les louanges d’une brise printannière ou du rire d’un enfant. « Je voulais rendre hommage à cette symbiose que j’ai ressentie dans ce lieu. Sans travail ni distraction, j’ai accédé à un niveau de conscience supérieur. J’ai vécu pleinement chaque petit moment. J’ai observé la lente et magnifique évolution de la planète – et de ma vie », explique Devin Yalkin. Une expérience inespérée, qu’il vit comme une véritable révélation : « J’ai compris que l’art véritable n’est pas seulement réservé à l’illustration d’événements historiques, mais peut aussi surgir d’une narration plus personnelle, tournée vers l’intime », conclut-il. Un récit fait d’échanges de regards, de larmes nostalgiques, de sourires entendus et de solitude acceptée.

© Devin Yalki
© Devin Yalkin

© Devin Yalkin

© Devin Yalkin
© Devin Yalkin
© Devin Yalkin

Explorez
La sélection Instagram #505 : ce que dit le geste
© axelle.cassini / Instagram
La sélection Instagram #505 : ce que dit le geste
Langage du corps ou outil, le geste dit et produit. Il peut trahir comme démontrer, parfois même performer. Les artistes de notre...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les coups de cœur #542 : Roxane Cassehgari et Kinu Kamura
Me Myself and I © Kinu Kamura
Les coups de cœur #542 : Roxane Cassehgari et Kinu Kamura
Roxane Cassehgari et Kinu Kamura, nos coups de cœur de la semaine, explorent leurs identités multiples et les mémoires de leurs familles....
05 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Simen Lambrecht donne vie à la mort
© Simen Lambrecht
Simen Lambrecht donne vie à la mort
À travers un livre en devenir, le photographe flamand Simen Lambrecht, désormais installé à Berlin, fait perdurer la mémoire de sa...
02 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Prix Mentor : Au hasard des rencontres
Heidie et Gaëtan. © Émeline Sauser
Prix Mentor : Au hasard des rencontres
Grande gagnante de la finale du prix Mentor à Paris en décembre dernier, Émeline Sauser est de nouveau sur les routes pour poursuivre sa...
01 mai 2025   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Nos derniers articles
Voir tous les articles
À la Bourse de commerce, Deana Lawson suscite la réflexion
Bendy, 2019. Pinault Collection. © Deana Lawson / courtesy de l’artiste et de David Kordansky Gallery
À la Bourse de commerce, Deana Lawson suscite la réflexion
Jusqu’au 25 août 2025, la Bourse de commerce, à Paris, accueille la première exposition monographique de Deana Lawson en France. Sur les...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #505 : ce que dit le geste
© axelle.cassini / Instagram
La sélection Instagram #505 : ce que dit le geste
Langage du corps ou outil, le geste dit et produit. Il peut trahir comme démontrer, parfois même performer. Les artistes de notre...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les coups de cœur #542 : Roxane Cassehgari et Kinu Kamura
Me Myself and I © Kinu Kamura
Les coups de cœur #542 : Roxane Cassehgari et Kinu Kamura
Roxane Cassehgari et Kinu Kamura, nos coups de cœur de la semaine, explorent leurs identités multiples et les mémoires de leurs familles....
05 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 28 avril 2025 : rétrospective d’avril
© Sander Coers
Les images de la semaine du 28 avril 2025 : rétrospective d’avril
C’est l’heure du récap ! De nombreux rendez-vous ont rythmé les publications de cette semaine. Les coups de cœur du mois, un nouvel...
04 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet