Antoine Béguier a parcouru le Kirghizistan pendant plusieurs années. Ses voyages et ses rencontres lui ont révélé un pays en pleine mutation où les identités passées, présentes et futures s’entremêlent. Il compose l’Autoroute de la soie, en écho à la position géographique du Kirghizistan et des cultures qui l’ont traversé.
« J’ai toujours eu une passion pour les cartes et les atlas », confie Antoine Béguier. En 2017, le photographe pose son regard sur le Kirghizistan, un pays d’Asie centrale, encore peu mis en avant dans les médias. « Ce pays semblait correspondre à mes attentes. J’ai donc pris un billet d’avion cinq jours avant de partir », poursuit-il. Il fait, en tout, cinq voyages et se rapproche au fur et à mesure des populations locales, nomades, dans les steppes, mais aussi sédentaires dans les villes. « Dès que je découvrais une yourte, j’allais expliquer mon projet photo aux habitants. S’ils étaient intéressés, je passais plusieurs semaines avec eux. Je travaillais avec eux, et petit à petit, je devenais un élément de leur quotidien », raconte l’auteur. Un homme se rase au milieu de l’étendue d’un champ, deux jeunes garçons montent à cheval, des enfants jouent. « Au départ, dès que je sortais l’appareil photo, tout le monde ajustait son col, tout le monde essayait d’être le plus beau possible. Puis, c’est devenu naturel », ajoute-t-il. L’Autoroute de la soie se dessine dans des couleurs contemplatives, dans une lenteur, dans un silence. « Je parle d’autoroute, car même si tout semble immuable, en deux siècles, le Kirghizistan a connu de nombreux changements : populations nomades, l’Empire russe, l’URSS, puis l’indépendance, observe Antoine Béguier. Et cela a profondément marqué leur identité culturelle. »
Entre tradition et modernité
La population kirghize navigue sur un fleuve aux multiples identités dont certaines sont en contradiction. Les traditions nomades, bien qu’ébranlées par le passage de l’Union soviétique, restent très présentes. « Les familles de bergers étaient libres, puis elles sont devenues fonctionnaires de l’État, avant de retourner à un statut indépendant. Ces transitions ont été très complexes pour elles », précise Antoine Béguier. Pourtant, une certaine nostalgie de l’ex-URSS persiste. Les villes de bétons ont été construites selon le modèle soviétique. « Il y a des statues du Russe Youri Gagarine, premier homme dans l’espace, au Kirghizistan. Et les Kirghizes sont très fiers, car ce dernier est venu se reposer dans leur pays après son voyage extra-terrestre », conte le photographe. En parallèle, les jeunes issu·es des familles nomades ou les intellectuel·les de la capitale Bichkek cherchent à s’émanciper des traditions et à trouver une direction nouvelle pour leur identité. « Je me suis rendu compte que le Kirghizistan, c’étaient des strates identitaires, comme une sorte de faille temporelle, où rien ne disparaît vraiment, plutôt tout s’accumule », conclut-il.