La vie moderne est faite de beauté, de spontanéité comme de banalité. D’un équilibre en tension permanente. Et puis d’environnements naturels et urbains éphémères, dans lesquels l’on cherche une permanence. Enfant, Ariana Zukowski cultivait déjà la nostalgie, et prenait des instantanés en espérant ralentir le temps. Aujourd’hui, la photographe canadienne établie à Barcelone, mêle la photographie de rue et de paysages dans des compositions au minimalisme poétique. La place de l’humain dans la ville constitue un thème prépondérant de son œuvre : elle « prend plaisir à observer les diverses interactions qui se forment lorsque les gens se déplacent dans leur environnement ». Sa série Heat Wave montre, en particulier, les tentatives des citadin·es de lutter contre la vague de canicule écrasante traversée par l’Europe en 2022. À travers l’utilisation du beige et du bleu – constante de ce travail – l’autrice souhaite « évoque[r] le motif de la chaleur intense et celui de la précarité croissante de l’accès à l’eau, indispensable à la vie ». On ressent dans ses photographies l’ennui, l’attente, le désir de fuir la chaleur coûte que coûte, qui semblent peser sur les êtres jusqu’à envahir l’air. Comment vivre au regard de l’incertitude et de l’anxiété collectives concernant nos perspectives d’avenir, particulièrement perceptibles dans la ville moderne ? La caméra d’Ariana Zukowski devient inquisitrice, et interroge les visages et les corps – ceux de la jeunesse, des familles, des communautés. Et selon les diagonales qu’elle propose çà et là, la ville semble garder son équilibre, ou bien le perdre.
© Ariana Zukowski