À Arles, Fryd Frydendahl fabrique une jeunesse danoise dorée

14 septembre 2023   •  
Écrit par Milena III
À Arles, Fryd Frydendahl fabrique une jeunesse danoise dorée
© Fryd Frydendahl

Présenté aux Rencontres d’Arles 2023, dans le cadre de l’exposition Søsterskap, qui réunit jusqu’au 24 septembre une grande variété d’œuvres, le travail de la Danoise Fryd Frydendahl en particulier a retenu notre attention. Salad Days raconte la fougue et la beauté d’une jeunesse danoise inlassablement créative.

© Fryd Frydendahl

Née en 1984 à Copenhague, Fryd Frydendahl appartient à cette nouvelle génération, peu connue, d’artistes scandinaves, inventive et profondément engagée. Par le passé, cette photographe et vidéaste de 39 ans a réalisé des clips pour ses ami·es musicien·nes Mø et Trentemøller, et est de celleux qui font le lien entre les pratiques artistiques – recourant constamment, pour sa part, au langage de la puissance visuelle et de l’intimité. Son sujet se révèle toujours à la fois dans sa fragilité, mais aussi sa familiarité, puisqu’on trouve dans Salad Days une certaine franchise dans la façon de poser – ou de ne pas poser, justement – de ses modèles, qui témoigne de la proximité entre l’artiste et ces dernier·es, comme d’un engagement certain de sa part. Qui sont ils, ces êtres qui se mettent en scène avec une assurance semblable et mille manières diverses d’exprimer leur fantaisie ? Des membres de sa famille, des ami·es, des proches. Car sa propension à créer des images aux tons particulièrement originaux tient au fait qu’elle aime mêler des personnes sans expérience à des shootings professionnels – « et qui pourtant prennent les choses tout aussi sérieusement que moi-même », assure-t-elle.

De Shakespeare à la mode surréaliste

Si la plupart des clichés de Fryd Frydendahl empruntent aux codes de la mode, il s’agit en tout cas résolument d’une mode affranchie des normes. À l’image du pays dont la photographe et ses modèles sont issu·es : car le Danemark est en effet l’un des pays les plus progressistes d’Europe en terme de questions de genre, d’orientation sexuelle, d’égalité raciale et d’équité sociale. Le surréalisme des tenues et des accessoires de ses modèles côtoie un esthétisme raffiné et coloré. Salad Days est devenu un livre, rassemblant dix années de travaux tirés de différents projets. « En fin de compte, il s’agit d’un regard sur ma façon d’aborder le portrait », résume-t-elle. Dans la grande église Sainte-Anne, à Arles, l’espace occupé par l’exposition Søsterskap est gracieusement partagé par les divers·es artistes représenté·es, sans jamais forcer les liens entre les œuvres. Ce sont tous les âges de la vie qui rythment cet ensemble, qui dit autant la puissance sororale que l’oppression patriarcale.

« Pour moi, l’exposition parle de la façon dont nous sommes tous·tes à notre manière des produits du Nord dans nos thèmes et notre façon de créer, explique-t-elle. Dans mon cas, il semble assez clair que l’artiste à l’œuvre vient d’un endroit privilégié, ce qui signifie que j’ai toujours eu le temps d’explorer, et de pouvoir donner la priorité à des thèmes tels que la liberté, l’identité, la tendresse… », poursuit-elle. À l’origine du titre, il y a l’expression de Shakespeare dans Antoine et Cléopâtre, par laquelle Cléopâtre évoque son engouement pour César : “My salad days, when I was green in judgment.” (« Mes jours de salade, quand j’étais verte en jugement. ») Pour Fryd Frydendahl, il faudrait comprendre « vert » comme une référence à son inexpérience. Salad Days, ce sont donc les visages d’une jeunesse qui patauge, qui tente, qui se débrouille, qui grandit. Tout simplement. Une jeunesse narcissique, en doute existentiel, vouée à elle-même, ou en paix. Mais surtout, une jeunesse consciente de sa vulnérabilité.

© Fryd Frydendahl
© Fryd Frydendahl

© Fryd Frydendahl

© Fryd Frydendahl
© Fryd Frydendahl

© Fryd Frydendahl
© Fryd Frydendahl

© Fryd Frydendahl

© Fryd Frydendahl
© Fryd Frydendahl
À lire aussi
Rencontres d'Arles : les coups de cœur de la rédaction
© Fryd Frydendahl / Courtesy of Rencontres d’Arles
Rencontres d’Arles : les coups de cœur de la rédaction
La magie des Rencontres d’Arles, c’est d’être parfois séduit·e par une scénographie, une émotion, une thématique que l’on n’attendait…
25 juillet 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dans l’œil d’Emma Sarpaniemi : les dessous de l’affiche des Rencontres d’Arles
Autoportrait en Cindy, 2022, série Deux façons de porter un chou-fleur © Emma Sarpaniemi
Dans l’œil d’Emma Sarpaniemi : les dessous de l’affiche des Rencontres d’Arles
Cette semaine, plongée dans l’œil d’Emma Sarpaniemi. Si son œuvre est actuellement présentée dans le cadre de l’exposition…
07 août 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
The Journey Home from School © Laura Pannack, United Kingdom, Winner, Professional competition, Perspectives, Sony World Photography Awards 2025.
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
Des corps qui chutent, des trajectoires contrariées, des espaces repris de force… Et si la photographie était un langage de reconquête ?...
10 mai 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Marion Gronier, la folie et le regard
© Marion Gronier, Quelque chose comme une araignée / Courtesy of the artist and Prix Caritas Photo Sociale
Marion Gronier, la folie et le regard
Pendant deux ans, Marion Gronier a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Sans jamais montrer de visages, elle...
09 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Daniel Obasi : l'étoffe de la révolte
Beautiful Resistance © Daniel Obasi
Daniel Obasi : l’étoffe de la révolte
À Lagos, Daniel Obasi, 30 ans, met en lumière les communautés marginalisées du Niger à travers une mode émancipatrice et...
08 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
À la Bourse de commerce, Deana Lawson suscite la réflexion
Bendy, 2019. Pinault Collection. © Deana Lawson / courtesy de l’artiste et de David Kordansky Gallery
À la Bourse de commerce, Deana Lawson suscite la réflexion
Jusqu’au 25 août 2025, la Bourse de commerce, à Paris, accueille la première exposition monographique de Deana Lawson en France. Sur les...
06 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
© Anouk Durocher
Les images de la semaine du 5 mai 2025 : révolution des corps
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages Fisheye célèbrent les corps sous différentes formes, de sa portée politique aux...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
The Journey Home from School © Laura Pannack, United Kingdom, Winner, Professional competition, Perspectives, Sony World Photography Awards 2025.
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
Des corps qui chutent, des trajectoires contrariées, des espaces repris de force… Et si la photographie était un langage de reconquête ?...
10 mai 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Marion Gronier, la folie et le regard
© Marion Gronier, Quelque chose comme une araignée / Courtesy of the artist and Prix Caritas Photo Sociale
Marion Gronier, la folie et le regard
Pendant deux ans, Marion Gronier a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Sans jamais montrer de visages, elle...
09 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
08 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina