Présenté aux Rencontres d’Arles 2023, dans le cadre de l’exposition Søsterskap, qui réunit jusqu’au 24 septembre une grande variété d’œuvres, le travail de la Danoise Fryd Frydendahl en particulier a retenu notre attention. Salad Days raconte la fougue et la beauté d’une jeunesse danoise inlassablement créative.
Née en 1984 à Copenhague, Fryd Frydendahl appartient à cette nouvelle génération, peu connue, d’artistes scandinaves, inventive et profondément engagée. Par le passé, cette photographe et vidéaste de 39 ans a réalisé des clips pour ses ami·es musicien·nes Mø et Trentemøller, et est de celleux qui font le lien entre les pratiques artistiques – recourant constamment, pour sa part, au langage de la puissance visuelle et de l’intimité. Son sujet se révèle toujours à la fois dans sa fragilité, mais aussi sa familiarité, puisqu’on trouve dans Salad Days une certaine franchise dans la façon de poser – ou de ne pas poser, justement – de ses modèles, qui témoigne de la proximité entre l’artiste et ces dernier·es, comme d’un engagement certain de sa part. Qui sont ils, ces êtres qui se mettent en scène avec une assurance semblable et mille manières diverses d’exprimer leur fantaisie ? Des membres de sa famille, des ami·es, des proches. Car sa propension à créer des images aux tons particulièrement originaux tient au fait qu’elle aime mêler des personnes sans expérience à des shootings professionnels – « et qui pourtant prennent les choses tout aussi sérieusement que moi-même », assure-t-elle.
De Shakespeare à la mode surréaliste
Si la plupart des clichés de Fryd Frydendahl empruntent aux codes de la mode, il s’agit en tout cas résolument d’une mode affranchie des normes. À l’image du pays dont la photographe et ses modèles sont issu·es : car le Danemark est en effet l’un des pays les plus progressistes d’Europe en terme de questions de genre, d’orientation sexuelle, d’égalité raciale et d’équité sociale. Le surréalisme des tenues et des accessoires de ses modèles côtoie un esthétisme raffiné et coloré. Salad Days est devenu un livre, rassemblant dix années de travaux tirés de différents projets. « En fin de compte, il s’agit d’un regard sur ma façon d’aborder le portrait », résume-t-elle. Dans la grande église Sainte-Anne, à Arles, l’espace occupé par l’exposition Søsterskap est gracieusement partagé par les divers·es artistes représenté·es, sans jamais forcer les liens entre les œuvres. Ce sont tous les âges de la vie qui rythment cet ensemble, qui dit autant la puissance sororale que l’oppression patriarcale.
« Pour moi, l’exposition parle de la façon dont nous sommes tous·tes à notre manière des produits du Nord dans nos thèmes et notre façon de créer, explique-t-elle. Dans mon cas, il semble assez clair que l’artiste à l’œuvre vient d’un endroit privilégié, ce qui signifie que j’ai toujours eu le temps d’explorer, et de pouvoir donner la priorité à des thèmes tels que la liberté, l’identité, la tendresse… », poursuit-elle. À l’origine du titre, il y a l’expression de Shakespeare dans Antoine et Cléopâtre, par laquelle Cléopâtre évoque son engouement pour César : “My salad days, when I was green in judgment.” (« Mes jours de salade, quand j’étais verte en jugement. ») Pour Fryd Frydendahl, il faudrait comprendre « vert » comme une référence à son inexpérience. Salad Days, ce sont donc les visages d’une jeunesse qui patauge, qui tente, qui se débrouille, qui grandit. Tout simplement. Une jeunesse narcissique, en doute existentiel, vouée à elle-même, ou en paix. Mais surtout, une jeunesse consciente de sa vulnérabilité.