Cette semaine, Brigitte Patient reçoit le photographe et réalisateur Samuel Bollendorff. Au micro de Regardez Voir, celui-ci revient sur ses différents projets, questionnant les enjeux sociaux et environnementaux.
C’est à l’âge de neuf ans que Samuel Bollendorff a réalisé son premier cliché, avec un petit Kodak. Aujourd’hui photographe de presse indépendant, il collabore régulièrement avec Libération ou encore Le Monde et perçoit le 8e art comme « un outil de discours et d’engagement – un outil politique ». Sa première série l’a conduit à travailler, durant six ans, dans le système hospitalier français « les urgences, les soins à domicile, la psychiatrie ou encore la maternité », précise-t-il. Une manière de documenter l’être humain, aspiré par des systèmes qui parfois le broient.
Entre 2011 et 2013, Samuel Bollendorff réalise Immolation, un projet consacré à un sujet mal compris. « Il est généralement traité comme un fait divers. La fragilité et la vulnérabilité de la victime sont souvent mises en avant, au détriment de la portée contestataire de cet acte », précise l’auteur. Au cours de ses recherches, ce dernier apprend que plus d’une immolation se produit tous les quinze jours sur la place publique, en France. En 2017, le photographe-réalisateur publie La nuit tombe sur l’Europe, une exposition et un film de 15 minutes tourné en plan fixe, porté par la voie de Catherine Deneuve. Une œuvre poignante dédiée aux migrants, se battant pour survivre dans une Europe hostile et meurtrière.
Un dialogue entre prise de conscience et violence
Dans Contaminations / Après moi le déluge, le photographe a effectué un tour du monde désespérant, en se rendant sur les territoires laissés impropres au développement de la vie. Japon, Russie, Canada, États-Unis, Europe… Les espaces photographiés sont des pays tels que le nôtre, abritant un « mal profondément invisible ». « La série présente de très beaux paysages, qui invitent le spectateur à contempler les images. Ce n’est qu’en lisant les textes qu’il comprend l’ampleur du récit. Un dialogue entre prise de conscience et violence », précise Samuel Bollendorff.
Parmi ces lieux dangereux se trouvent Fukushima, territoire malmené par la volonté du gouvernement japonais de réinstaller la population rapidement, ou encore Naples, ville contrôlée par la Mafia, dont la périphérie croule sous 400 000 tonnes de déchets nucléaires et contaminés et de métaux lourds. « On appelle ce territoire le triangle des tumeurs, des enfants d’une dizaine d’années y développent des cancers », confie l’auteur. Entre beauté et horreur, fantasme et dure réalité, le photographe lance l’alerte. « Il s’agit de s’opposer à la puissance des lobbys industriels. Les politiques doivent les empêcher de polluer, et les condamner, mais pour cela, ils ont besoin de l’opinion publique », conclut-il. Un projet engagé et nécessaire.
© Samuel Bollendorf