Elles sont deux, immobiles sous leurs muscles recouverts d’autobronzant comme des statues attendant leur tour de briller. Seules traces d’individualité, les visages sont maquillés à outrance pour en faire des poupées. L’hyper féminin côtoyant l’hypertrophie des chairs. Car il y a du muscle, du tendon, des ligaments forts comme des câbles dans ces déesses échappées d’un film des eighties. C’est pourtant la Russie contemporaine que Kristina Rozhkova photographie dans sa série Bodyland. Une Russie de la peau orange, cousine improbable d’une amérique MAGA et du président qu’elle se souhaiterait. Prenant à rebours l’emphase du concours auquel elle assiste, Kristina Roshkova témoigne ainsi du kitsch improbable d’un pays en vase clos, une « secte » dit-elle dans laquelle toute autre apparence dépare. « J’avais l’air ridicule au milieu de ces gens en autobronzant, avec de faux corps, de fausses dents blanches, en talons et en maillots de bain à paillette, parce que j’étais complètement démaquillée, avec un corps totalement étranger au sport, dans des vêtements d’occasion », se souvient-elle. Si l’humour pourrait laisser penser à une satire – « ce championnat de bodybuilding m’a beaucoup rappelé les expositions canines auxquelles ma mère m’emmenait pendant mon enfance », s’amuse l’autrice – il s’agit ici d’une anatomie grinçante voir d’une revanche : les corps sont photographiés de très près, au flash, comme pour en faire la dissection. Traverser la peau qui n’est qu’enveloppe à performance et à protéines. « Je voulais exposer ses corps pour les faire apparaitre dans ce qu’ils sont pour moi, le symptôme d’une maladie », conclut-elle. Celle d’une beauté factice, surannée en apparence, mais, peut-être, bientôt victorieuse.
Bodyland : déluge de chairs

© Kristina Rozhkova
À lire aussi
Terminé
Concours
Royaux canins
Pour réaliser Best in show, Dolly Faibyshev, photographe américaine, s’est immergée dans l’univers kitsch et surréaliste des concours…
« De manière générale, je m’intéresse à la photographie conceptuelle. Je crois que l’intensité et l’agressivité de mes prises de vues…
Explorez
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent de certaines des expositions du moment et de sujets qui...
La première photographie qui t’a marquée et pourquoi ? © Jenny Bewer
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
Daniel Duque, Pacifico, film, 2025, production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains © Daniel Duque
Au cœur du Fresnoy, l’exposition annuelle Panorama est devenue un rendez-vous incontournable. Pour sa 27e édition, l’événement orchestre...
© Edward Weston, Charis, Santa Monica (Nude in doorway), 1936 © Center for Creative Photography, Arizona Board of Regents / Edward Weston, Adagp, Paris, 2025. Courtesy Wilson Centre for Photography
Du 15 octobre au 25 janvier 2026, la Maison européenne de la photographie présentera deux rétrospectives. L’une sera consacrée à Edward...
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sans titre, Araki Nobuyoshi 1990 -2024 © Nobuyoshi Araki © Musée Guimet, Paris, Nicolas Fussler
Jusqu'au 12 janvier 2026, le musée des arts asiatiques - Guimet accueille une collection foisonnant de polaroids, issue de l’œuvre du...
© Anna Prudhomme
Julie Brochard et Anna Prudhomme, nos coups de cœur de la semaine, ont puisé l’inspiration dans la maison de leurs grands-parents. La...
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent de certaines des expositions du moment et de sujets qui...
© Nick Prideaux
Dans le cadre d’une résidence artistique à la Maison de la Chapelle, au cœur de la Provence, Nick Prideaux a imaginé Grace Land. À...