Dans leurs travaux respectifs, Marine Toux et Aziyadé Abauzit, nos coups de cœur de la semaine, font toutes deux l’éloge du fragment. La première l’utilise pour évoquer le temps qui passe quand la seconde le perçoit comme la base d’une infinité de récits.
Marine Toux
Marquée par les photographies de voyage de sa tante, Marine Toux s’inspire de son expérience du réel pour concevoir des récits intimes et nuancés. Dans Mono No Aware, elle entremêle mode et documentaire, combine des images bleutées d’un séjour au Japon avec des portraits rougeoyants, réalisés par la suite en studio. De cette dichotomie résulte un dialogue sur le temps qui défile, imprégné d’un concept qui donne son nom à la série. Celui-ci traduit une sensibilité à l’impermanence. « Ce terme désigne une émotion à la fois douce et mélancolique, un émerveillement teinté de nostalgie face à la beauté fragile des choses qui passent, explique-t-elle. C’est la conscience que tout est éphémère et que c’est précisément cette fugacité qui rend le monde si bouleversant. » Mis bout à bout, ces fragments figés ont pour vocation de renouveler notre regard sur ce qui nous entoure, sur un quotidien que nous ne prenons plus nécessairement le temps de contempler.
Aziyadé Abauzit
« Dans mon travail, j’aime expérimenter avec les textures, les sensations et le flou tout en brouillant la frontière entre le réel et l’onirisme. Je crée des images qui jouent des atmosphères, qui évoquent plus qu’elles ne racontent et qui laissent place à l’interprétation, un peu comme des fragments de rêve », déclare Aziyadé Abauzit. Cet attrait pour le mystère se retrouve dans sa série Mermaid’s Dream. Au fil de ses compositions troubles, oscillant du vert au bleu, la photographe imagine à quoi songe une sirène afin de se livrer à une exploration de cet espace entre la somnolence et le sommeil. « Les images forment les étapes d’un voyage sensoriel et dystopique, comme si l’on traversait une nuit de fin du monde, salvatrice et inquiétante à la fois. Je souhaite mettre en place un univers étrange, mystique, où les contours se brouillent, les corps deviennent des paysages et les paysages des sensations », assure-t-elle. Dans l’envie de convoquer la synesthésie, elle mise ainsi sur des teintes froides, des jeux de matières et des éléments qui rappellent le son des vagues ou encore des oiseaux.