Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella, nos coups de cœur de la semaine, saisissent l’intime, les corps et les relations aux autres. Toutes deux inspirées par l’œuvre de Nan Goldin, elles content des récits à travers la peau et les mouvements. Si la première explore le lien entre les corps et la nature, la seconde s’intéresse aux mémoires des existences invisibilisées.
Ainhoa Ezkurra Cabello
Ainhoa Ezkurra Cabello évolue entre l’île de Formentera et Barcelone, en Espagne. Sa photographie prend vie à travers les paysages côtiers de cet étroit bout de terre qui trône au cœur de la Méditerranée. « Vivant sur une si petite île, je m’inspire constamment de la présence de la nature dans mon quotidien, précise l’artiste. Ce lien se reflète souvent dans mon travail. » Des corps délicats et dénudés se fondent dans les teintes du sable sous le soleil méridien. Avec la nature, ils ne font qu’un. « Pour moi, le corps représente à la fois une maison et une frontière. C’est une maison où résident notre identité, nos émotions, nos expériences, offrant abri et confort. Mais c’est aussi une limite qui nous sépare du monde extérieur, définissant notre espace personnel et nos relations aux autres », soutient-elle. Alors, elle saisit les étreintes, l’épiderme, les membres avec une douceur telle qu’on se croirait dans un conte estival. « Je considère également le corps comme un paysage, un terrain qui raconte des histoires à travers ses formes, ses textures et ses marques », conclut Ainhoa Ezkurra Cabello, qui s’attache à mettre en lumière des détails et des univers inattendus, tout en puisant son inspiration dans le travail de Nan Goldin.
Bérangère Portella
Des corps et des visages, des personnes queer et racisées, des couleurs chaudes et étincelantes. Bérangère Portella capture en images les notions de liens, d’intimité et de mémoire. « Ce qui m’intéresse, ce sont les instants de bascule : quand le costume se dépose et que la vulnérabilité devient visible, presque sacrée », confie-t-elle. La photographe et cofondatrice d’une agence à Paris conçoit le médium comme une thérapie depuis son jeune âge, alors que son père lui montrait des photos de ses proches. « Capter les gestes, les corps, les regards – pour ne pas oublier. La photographie est devenue un point d’ancrage, une manière douce de résister à l’effacement, de préserver ce qui, autrement, finirait par s’estomper », raconte l’artiste. Influencée par Nan Goldin, Mary Ellen Mark ou Roger Ballen, Bérangère Portella compose les clichés empreints de tendresse où il est question de « famille – choisie ou biologique –, d’héritage et de transmission silencieuse ». Elle conclut : « L’intime, pour moi, n’est pas un refuge : c’est un territoire politique. Photographier des corps queer, racisés, fatigués et désirants, c’est visibiliser humblement toutes ces existences – et leur droit à la douceur, à la nuance, à la complexité. »