David Zheng et Minä Lescot, nos coups de cœur de la semaine, se distinguent dans leur approche photographique. Le premier compose des monochromes faisant la part belle à la texture tandis que la seconde utilise des couleurs gorgées de soleil pour dépeindre le monde.
David Zheng
Une ombre effilée longe le rivage. Entre ces dunes recouvertes d’herbes folles, elle semble si frêle que nous la percevons à peine. Ce pourrait être une journée de printemps ou d’été, une vision remontant à une décade ou à plusieurs décennies. Rien ne nous permet de contextualiser cette photographie. Ses nuances de noir et de blanc soulignent la beauté du grain qui évoque le toucher. Les autres sens s’éveillent alors aisément. Le clapotis des vagues qui bercent la mer s’étendant à perte de vue, la fraîcheur de l’air chargé d’embruns ou, au contraire, la chaleur écrasante qui fait ressortir le parfum de la crème solaire… Ce tirage, comme les autres que signe David Zheng, est traversé par les émanations du réel. Il est issu de son ouvrage Flutter. Celui-ci emprunte aux documentaires sur la nature et, plus particulièrement, à ceux sur les oiseaux qui apprennent à communiquer entre eux à l’aide de gestes symboliques. « Après la mort de ma mère, en 2023, et les émotions accablantes que j’ai ressenties lors de mon deuil, le travail que j’ai créé en 2019 a commencé à prendre une nouvelle résonance. […] Perché sur le sentier de randonnée, je sentais le climat instable de la région de la baie, son pouvoir transitoire, comme le battement d’ailes d’un petit oiseau dans le vent », confie l’artiste new-yorkais. Par l’entremise de la matérialité des images, il s’attache ainsi à transmettre ses expériences du monde.
Minä Lescot
« J’ai rencontré la photographie avec le projecteur de diapositives que j’ai gagné à une tombola quand j’étais enfant. Sur ces diapos il y avait des gens que je ne connaissais pas », se remémore Minä Lescot. Dans le sillage de ce souvenir, des silhouettes inconnues peuplent désormais ses propres compositions. L’artiste, qui enseigne également la littérature et l’histoire du cinéma allemand dans le secondaire, se plaît à parcourir les villes dans l’objectif de figer ces moments « où l’insolite flirte avec le banal ». Inspirée par les œuvres de Martin Parr, elle s’amuse des détails et met en lumière le charme de l’inattendu dans des images gorgées de soleil. Des personnes bronzant sur des transats, une raquette en plastique flottant dans une piscine ou encore une glace dégoulinante se présentent ainsi comme autant d’éléments qui ponctueront les journées des vacanciers et passeront inaperçus pour beaucoup. « Je suis une contemplatrice, l’idée de photographier s’est immiscée progressivement dans mon quotidien. J’écoute d’abord ma spontanéité et mon envie de saisir la poésie environnante avec des couleurs pop. Si on regarde bien, on en trouve partout autour de soi », assure-t-elle.