« Cette allumette inutile ne suscite pas seulement la pitié du collectionneur, elle m’a aussi profondément touchée lorsque je l’ai vue pour la première fois. »
Cette semaine, plongée dans l’œil de Caroline Heinecke, photographe berlinoise dont les compositions se distinguent par l’usage de couleurs vives et de mises en scène insolites. Pour Fisheye, elle revient sur l’histoire de la pauvre allumette à tête perdue de sa série Masters of Things – Sick matches.
« Pour mon mémoire de fin d’études à l’Ostkreuzschule, je me suis intéressée pendant toute une année aux collections curieuses, celles dont le but n’est pas forcément évident et qui, à première vue, peuvent sembler quelque peu marginales ou bizarres. Dès le début de mes recherches, je suis tombée sur les allumettes malades de Frieder Butzmann, qui se trouvait être aussi un musicien de ma collection de disques. Je suis d’autant plus heureuse d’avoir pu le rencontrer personnellement qu’il a accepté d’intervenir dans mon projet.
Cette image montre donc un spécimen de sa collection. Elle est en phase terminale et appartient au genre des “sans tête”. Cette allumette inutile ne suscite pas seulement la pitié du collectionneur, elle m’a aussi profondément touchée lorsque je l’ai vue pour la première fois. Pour la photographier, j’ai dû la manipuler avec précaution et utiliser une pince à épiler pour placer sa tête à un endroit approprié.
Outre ce sujet sans tête, qui s’avère être le Blue Mauritius de la collection, on y retrouve également des allumettes tordues ou à tête fendue, des affamées, des siamoises et d’autres souffrant de maladies de peau. La motivation de Frieder Butzmann venait du seul désir de collectionner quelque chose. Quiconque a entendu parler de ses élucubrations découvre qu’il se cache nécessairement un spécimen de choix dans sa propre boîte d’allumettes. »