« Dans cette série, le fil utilisé se compose de cheveux. Ici, ils servent à fixer le voile et prennent aussi part au paysage comme des herbes folles, dans le prolongement des blés. »
Cette semaine, plongée dans l’œil de Juliette-Andréa Élie. Au moyen de diverses techniques, la photographe et plasticienne compose des paysages uniques qui témoignent notamment des effets de l’activité humaine sur la planète. Pour Fisheye, elle revient en détail sur l’une de ses nouvelles images.
« En septembre 2023, Laurent Vallon, du musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône, me propose une résidence au croisement de la photographie et de la couture. Retravaillant mes images en gaufrant le tirage, je suis particulièrement sensible à l’expérimentation de la matière. Le fil cousu comme une suture ou comme un lien pour assembler des fragments entre eux me semble être des pistes fertiles. Au long de ces derniers mois, au gré des tentatives avec les couturières en formation au lycée Émiland Gauthey, la série prend forme.
L’image choisie ici est un objet photographique composé de deux strates : le tirage et un voile d’organdi imprimé de la même image. Ce tissu retourné, roulé, plié par endroits est cousu au support. C’est une vision en miroir, une vision qui se dédouble, sans être tout à fait la même. C’est une sorte d’ombre aussi, un peu comme celle de Peter Pan qui est devenue autonome et qu’il cherche à recoudre. Cette épaisseur qui glisse évoque le film gélatineux d’un tirage argentique, que l’on peut détacher, rendant l’image souple, presque liquide, comme si le paysage n’était pas figé mais bien en transformation. C’est un souvenir qui se déplie de la mémoire, avec ces endroits troubles.
Dans cette série, le fil utilisé se compose de cheveux. Ici, ils servent à fixer le voile et prennent aussi part au paysage comme des herbes folles, dans le prolongement des blés. Je me promène dans ces sensations où le corps fait fusion avec les éléments a priori extérieurs. Ou comment le paysage nous traverse autant qu’on le traverse. »