Cet article contient du contenu violent ou explicite

Dans l’œil d’Elizabeth Hibbard : le fluide de douceur

18 décembre 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
Dans l'œil d'Elizabeth Hibbard : le fluide de douceur
© Elizabeth Hibbard
ElizabethHibbard
« En me mettant en scène dans ce qui pourrait être interprété comme une humiliation anéantissante – soit un pénis dégoulinant d’un fluide sur mon visage –, je suis à l’inverse oint de douceur par ce fluide de miel.  »

Cette semaine, plongée dans l’œil d’Elizabeth Hibbard. Dévoilée dans le Fisheye #57 à travers sa série Swallow the Tail, l’artiste californienne revient nous parler d’une image particulière. Ici, psychologie et étrange se lient pour traiter de la connexion aux autres.

« Cette photographie s’intitule A Sweet Picture. Jusqu’à présent, j’ai réalisé de nombreuses images autour du concept du « trou noir », développé par la psychanalyste James Grotstein. Ce trou noir est la métaphore d’une blessure développementale précoce et profonde dans la psyché, qui ne se comprend pas seulement comme un vide ou une absence, mais bien comme une attraction vers la zone d’abjection. Ayant repris mes études de psychologie profonde, je suis très enthousiaste à l’idée d’utiliser mes nouveaux acquis à la fois linguistiques et psychologiques pour décrire de nombreuses choses que j’ai essayé de dépeindre dans mes images.
Cette image marque un tournant pour moi, non seulement en tant qu’artiste, mais aussi dans ma façon d’interagir avec les autres. En la regardant, on peut ressentir de la terreur et de l’ambivalence dans le désir de se connecter avec autrui, parce qu’il y a un danger sous-jacent d’être « aspirée » par le trou noir dans l’interaction représentée, une crainte d’être avalée et transformée en objet. Seulement ici, il s’agit plutôt des joies que l’on peut ressentir en s’abandonnant à ce désir de connexion. En me mettant en scène dans ce qui pourrait être interprété comme une humiliation anéantissante – soit un pénis dégoulinant d’un fluide sur mon visage –, je suis à l’inverse oint de douceur par ce fluide de miel.
Au moment où j’ai réalisé cette image, je relisais un essai sur Anne Carson à propos d’un concept qu’elle nomme « la décréation » et qui s’intéresse aux femmes qui, sous différents aspects, se sont anéanties elles-mêmes pour une sorte d’amour spirituel, notamment Sappho et Simone Weil. Le phallus est le fruit de ma propre construction, un objet rituel totémique pour interpréter le genre, porté par quelqu’un que j’ai choisi. À travers un grand amour profond l’un envers l’autre et par ce fil de miel qui circule entre nous, nous nous transformons en quelque chose d’autre, quelque chose de supérieur. »

À lire aussi
Viscères au poing
Viscères au poing
Photographe californienne, Elizabeth Hibbard réalise une introspection de son enfance, sa vie actuelle, mais surtout, de la relation…
16 février 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
Contenu sensible
Dans l'œil de Bex Day : prendre conscience de son corps
© Bex Day
Dans l’œil de Bex Day : prendre conscience de son corps
Cette semaine, plongée dans l’œil de Bex Day. Auteure de l’ouvrage PETAL – une véritable ode aux vulves – elle nous raconte les dessous…
30 octobre 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
Explorez
La sélection Instagram #489 : chambre vermeille
© Maša Stanić / Instagram
La sélection Instagram #489 : chambre vermeille
La couleur rouge a une place toute particulière en photographie. Dans les laboratoires de tirages, elle éclaire la pénombre et révèle...
14 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Entre ombre et lumière, Sarah Moon illumine le 7 à 9 de Chanel
© Sarah Moon
Entre ombre et lumière, Sarah Moon illumine le 7 à 9 de Chanel
La première édition du 7 à 9 de Chanel a réuni, au Jeu de Paume, l’emblématique photographe et cinéaste Sarah Moon, l’étudiante en art...
13 janvier 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Contenu sensible
Aldo Giarelli, le queer au corps
© Aldo Giarelli
Aldo Giarelli, le queer au corps
Photographe de mode, Aldo Giarelli restitue dans sa dernière série, We are Everywhere, des corps queers à la fois sexualisés et divers.
10 janvier 2025   •  
Écrit par Hugo Mangin
La sélection Instagram #488 : étoffe caméléon
© Theresa Maria / Instagram
La sélection Instagram #488 : étoffe caméléon
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine jouent avec le grain, dansent avec les mailles, ou impriment des images sur des...
07 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Résidence 1+2 : fusion du vivant et des croyances en images
© Alžběta Wolfova, Insect Gaze_3, Photogramme.
Résidence 1+2 : fusion du vivant et des croyances en images
La Résidence 1+2 dévoile son coffret 2024, Fabulae, composé de trois livres photographiques présentant les séries de Céline Clanet...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Angela Strassheim : crime éclairé
Preuve n°10. Evidence © Angela Strassheim
Angela Strassheim : crime éclairé
Formée à la photographie médico-légale, Angela Strassheim pose le décor d'énigmes non élucidées dans sa série Evidence. Puisant dans les...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
18 séries de photographies qui évoquent des crimes et des faits divers
© Kourtney Roy
18 séries de photographies qui évoquent des crimes et des faits divers
À l’occasion de la sortie de Fisheye #69, nous avons sélectionné une série de projets, publiés sur les pages de notre site, qui...
15 janvier 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
© Marilia Destot
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
Dans Memoryscapes, Marilia Destot poursuit son travail de collages aux lignes épurées. À travers cette nouvelle série au long...
15 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet