David Bowie par David Lawrence, regard sensible sur une icône

21 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
David Bowie par David Lawrence, regard sensible sur une icône
© Marcello Mencarini
David Bowie sur scène
© Philippe Auliac
David Bowie sur scène
© Philippe Auliac

Mr. Jones’ Long Hair, David Bowie par David Lawrence est une exposition littéraire et photographique sur David Bowie. L’écrivain David Lawrence y prête une voix imaginaire, par le biais de lettres fictives, à Terry Burns, le demi-frère de l’artiste. L’événement rassemble notamment des clichés rares de Philippe Auliac, Michel Haddi et Denis O’Regan, et est visible jusqu’au 22 juin à la galerie MR8, à Paris, uniquement sur réservation.

Et si l’on découvrait David Bowie non pas par ses masques, mais par le regard de celui qui fut à la fois son frère, son inspirateur et son absence la plus profonde ? Dans Mr. Jones’ Long Hair, l’écrivain David Lawrence incarne la voix fictive de Terry Burns, demi-frère aîné de David Bowie, figure méconnue mais essentielle de son univers personnel et artistique. Diagnostiqué schizophrène dans sa jeunesse, Terry Burns est interné à plusieurs reprises au Cane Hill Hospital (Croydon). Il se suicide le 16 janvier 1985 à l’âge de 47 ans. Cette disparition est l’un des grands chocs de la vie de Bowie, qui était déjà marqué par la violence institutionnelle de l’établissement psychiatrique. Il l’évoque indirectement dans plusieurs de ses œuvres et, de façon plus explicite, dans la chanson « Jump They Say » (album Black Tie White Noise, 1993), directement inspirée des séjours à l’hôpital de son frère et de la stigmatisation des troubles mentaux, comme mis en avant dans l’ouvrage David Bowie: A Life de Dylan Jones (Crown Archetype, 2017), ainsi que dans des entretiens du chanteur avec, entre autres, la BBC Radio 1 en 1993.

Mais avant d’être un traumatisme, Terry Burns fut aussi un guide intellectuel et culturel pour le jeune David Jones. C’est lui qui lui fait découvrir le jazz, la musique afro-américaine, les poètes modernistes et les figures marginales de la littérature – de T.S. Eliot à William S. Burroughs, de Jean Genet à Jack Kerouac. Cette influence, l’artiste l’a lui-même reconnue dans plusieurs entretiens, évoquant un frère « cultivé, profond, passionné mais détruit par la maladie ». L’exposition conçue par David Lawrence, en étroite collaboration avec Philippe Auliac (photographe et ami proche de Bowie pendant plus de trente-cinq ans), réunit aussi les œuvres de Michel Haddi et Denis O’Regan, respectivement proche d’Iman Bowie et photographe officiel de la tournée Serious Moonlight. Ces photographies rares sont accompagnées d’un récit imaginaire sous forme de lettres de Terry Burns à David Bowie, dans la lignée du travail épistolaire de Lawrence autour de Picasso et Warhol. Enfin, l’exposition s’enrichit d’un portrait en creux : celui de ceux qui ont nourri la sensibilité du chanteur – de Frank Sinatra à Jean Cocteau, de Miles Davis à Jean-Michel Basquiat, de Nietzsche à Jacques Brel, et bien d’autres encore. L’exposition sera visible jusqu’au 22 juin à la galerie MR8, à Paris.

© Picture Alliance/Photoshot/Bidgeman Images
David Bowie en 1969
© Picture Alliance/Photoshot /Bidgeman Images

Un être en constante métamorphose

Dans l’introduction du catalogue de l’exposition Mr Jones’ Long Hair, les photographes livrent leur témoignage sur David Bowie. Philippe Auliac et Michel Haddi en particulier dévoilent deux regards distincts, deux parcours, mais une même fascination pour une figure insaisissable, toujours en mouvement. À travers leurs mots, ils racontent Bowie non comme une simple icône, mais comme un être en constante métamorphose, qu’ils ont tenté, chacun à leur manière, de saisir par l’image. Pour Philippe Auliac, la rencontre avec le musicien remonte aux années 1970, dans une gare londonienne. Il le croise à Victoria Station, dans ce lieu de passage qui deviendra le théâtre de leur premier cliché. Ce n’est pas un simple hasard, mais le point de départ d’une relation professionnelle et presque intime, qui durera plus de trente ans. Philippe Auliac ne s’intéresse pas seulement à la star médiatique : il cherche, image après image, à atteindre David Robert Jones, l’homme derrière l’icône. « À chaque déclic, je m’appliquais à faire tomber le masque de la rockstar », écrit-il. Pour lui, la clé de cette collaboration tient dans une règle simple : chacun à sa place. Bowie est l’artiste, Philippe Auliac l’ouvrier.

Michel Haddi, lui, évoque une relation plus brève, mais tout aussi marquante. « Oui, j’adore David Bowie », affirme-t-il d’entrée. Le photographe se souvient du privilège de l’avoir immortalisé à Los Angeles pour Interview Magazine, à un moment où Bowie « comptait vraiment ». « Il n’était pas un chat facile à apprivoiser », écrit-il. Sa posture, son mystère, son élégance faisaient de lui un sujet hors normes. L’artiste apparaît non pas comme une star monolithique mais comme une constellation de figures. En même temps proche et lointain, il incarne un sujet insaissable. Dans leurs mots, photographier Bowie était comme vouloir fixer l’infixable.

Guitarre Bowie
© Philippe Auliac
David Bowie en noir et blanc
© Philippe Auliac
À lire aussi
Instagram va diffuser une série sur David Bowie
Instagram va diffuser une série sur David Bowie
Dernier album solo de David Bowie, sorti deux jours avant son décès le 10 janvier dernier, « Blackstar » va faire l’objet d’une adaptation…
23 février 2016   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Picasso : le mélange des genres
Picasso : le mélange des genres
Jusqu’au 24 septembre 2019, le Musée Picasso de Barcelone présente l’exposition Picasso, le regard du photographe. Une déambulation…
27 juin 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dennis Morris : au nom de la musique et de l'amour
The Abyssinians, outake from the photo shoot for the album Arise 1977 © Dennis Morris
Dennis Morris : au nom de la musique et de l’amour
Du 5 février au 18 mai 2025, la Maison européenne de la photographie présente une exposition de Dennis Morris, photographe emblématique…
28 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Explorez
Retrouvez Fisheye au Salon de la Photo 2025 !
Untitled, 2008 © Anna Di Prospero
Retrouvez Fisheye au Salon de la Photo 2025 !
La grande halle de la Villette accueille, du 9 au 12 octobre 2025, la nouvelle édition du Salon de la Photo. Rendez-vous en ce début...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 29 septembre 2025 : expositions et représentations
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
Les images de la semaine du 29 septembre 2025 : expositions et représentations
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent de certaines des expositions du moment et de sujets qui...
05 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Billie Eilish, hasard et ambivalence : dans la photothèque de Jenny Bewer
La première photographie qui t’a marquée et pourquoi ? © Jenny Bewer
Billie Eilish, hasard et ambivalence : dans la photothèque de Jenny Bewer
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
03 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Panorama 27 : au Fresnoy, l’image réinventée
Daniel Duque, Pacifico, film, 2025, production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains © Daniel Duque
Panorama 27 : au Fresnoy, l’image réinventée
Au cœur du Fresnoy, l’exposition annuelle Panorama est devenue un rendez-vous incontournable. Pour sa 27e édition, l’événement orchestre...
02 octobre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Oxalis (détail), 2024 © Pooya Abassian
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Lee Ufan Arles et la Maison Guerlain ont annoncé hier, à la Guerlain Academy, le nom du troisième lauréat de leur prix Art &...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
Residency InCadaqués 2025 © Antoine De Winter
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
La rentrée scolaire est souvent synonyme de foisonnement d'expositions. Pour occuper les journées d'automne et faire face à la dépression...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Retrouvez Fisheye au Salon de la Photo 2025 !
Untitled, 2008 © Anna Di Prospero
Retrouvez Fisheye au Salon de la Photo 2025 !
La grande halle de la Villette accueille, du 9 au 12 octobre 2025, la nouvelle édition du Salon de la Photo. Rendez-vous en ce début...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
© Chloé Nicosia, One Hundred Trillion Dollars / Courtesy of the artist and Rencontres photographiques du 10e
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
Pour cette édition 2025 des Rencontres photographiques du 10e, qui défie une nouvelle fois les attentes, les photographes mis·es en avant...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III