Mr. Jones’ Long Hair, David Bowie par David Lawrence est une exposition littéraire et photographique sur David Bowie. L’écrivain David Lawrence y prête une voix imaginaire, par le biais de lettres fictives, à Terry Burns, le demi-frère de l’artiste. L’événement rassemble notamment des clichés rares de Philippe Auliac, Michel Haddi et Denis O’Regan, et est visible jusqu’au 22 juin à la galerie MR8, à Paris, uniquement sur réservation.
Et si l’on découvrait David Bowie non pas par ses masques, mais par le regard de celui qui fut à la fois son frère, son inspirateur et son absence la plus profonde ? Dans Mr. Jones’ Long Hair, l’écrivain David Lawrence incarne la voix fictive de Terry Burns, demi-frère aîné de David Bowie, figure méconnue mais essentielle de son univers personnel et artistique. Diagnostiqué schizophrène dans sa jeunesse, Terry Burns est interné à plusieurs reprises au Cane Hill Hospital (Croydon). Il se suicide le 16 janvier 1985 à l’âge de 47 ans. Cette disparition est l’un des grands chocs de la vie de Bowie, qui était déjà marqué par la violence institutionnelle de l’établissement psychiatrique. Il l’évoque indirectement dans plusieurs de ses œuvres et, de façon plus explicite, dans la chanson « Jump They Say » (album Black Tie White Noise, 1993), directement inspirée des séjours à l’hôpital de son frère et de la stigmatisation des troubles mentaux, comme mis en avant dans l’ouvrage David Bowie: A Life de Dylan Jones (Crown Archetype, 2017), ainsi que dans des entretiens du chanteur avec, entre autres, la BBC Radio 1 en 1993.
Mais avant d’être un traumatisme, Terry Burns fut aussi un guide intellectuel et culturel pour le jeune David Jones. C’est lui qui lui fait découvrir le jazz, la musique afro-américaine, les poètes modernistes et les figures marginales de la littérature – de T.S. Eliot à William S. Burroughs, de Jean Genet à Jack Kerouac. Cette influence, l’artiste l’a lui-même reconnue dans plusieurs entretiens, évoquant un frère « cultivé, profond, passionné mais détruit par la maladie ». L’exposition conçue par David Lawrence, en étroite collaboration avec Philippe Auliac (photographe et ami proche de Bowie pendant plus de trente-cinq ans), réunit aussi les œuvres de Michel Haddi et Denis O’Regan, respectivement proche d’Iman Bowie et photographe officiel de la tournée Serious Moonlight. Ces photographies rares sont accompagnées d’un récit imaginaire sous forme de lettres de Terry Burns à David Bowie, dans la lignée du travail épistolaire de Lawrence autour de Picasso et Warhol. Enfin, l’exposition s’enrichit d’un portrait en creux : celui de ceux qui ont nourri la sensibilité du chanteur – de Frank Sinatra à Jean Cocteau, de Miles Davis à Jean-Michel Basquiat, de Nietzsche à Jacques Brel, et bien d’autres encore. L’exposition sera visible jusqu’au 22 juin à la galerie MR8, à Paris.
Un être en constante métamorphose
Dans l’introduction du catalogue de l’exposition Mr Jones’ Long Hair, les photographes livrent leur témoignage sur David Bowie. Philippe Auliac et Michel Haddi en particulier dévoilent deux regards distincts, deux parcours, mais une même fascination pour une figure insaisissable, toujours en mouvement. À travers leurs mots, ils racontent Bowie non comme une simple icône, mais comme un être en constante métamorphose, qu’ils ont tenté, chacun à leur manière, de saisir par l’image. Pour Philippe Auliac, la rencontre avec le musicien remonte aux années 1970, dans une gare londonienne. Il le croise à Victoria Station, dans ce lieu de passage qui deviendra le théâtre de leur premier cliché. Ce n’est pas un simple hasard, mais le point de départ d’une relation professionnelle et presque intime, qui durera plus de trente ans. Philippe Auliac ne s’intéresse pas seulement à la star médiatique : il cherche, image après image, à atteindre David Robert Jones, l’homme derrière l’icône. « À chaque déclic, je m’appliquais à faire tomber le masque de la rockstar », écrit-il. Pour lui, la clé de cette collaboration tient dans une règle simple : chacun à sa place. Bowie est l’artiste, Philippe Auliac l’ouvrier.
Michel Haddi, lui, évoque une relation plus brève, mais tout aussi marquante. « Oui, j’adore David Bowie », affirme-t-il d’entrée. Le photographe se souvient du privilège de l’avoir immortalisé à Los Angeles pour Interview Magazine, à un moment où Bowie « comptait vraiment ». « Il n’était pas un chat facile à apprivoiser », écrit-il. Sa posture, son mystère, son élégance faisaient de lui un sujet hors normes. L’artiste apparaît non pas comme une star monolithique mais comme une constellation de figures. En même temps proche et lointain, il incarne un sujet insaissable. Dans leurs mots, photographier Bowie était comme vouloir fixer l’infixable.