Dans Stan, le photographe parisien Pierre Cattoni, 29 ans, dresse un portrait politique de l’Ouzbékistan et du Kirghizistan. Deux pays voisins situés en Asie centrale, et que tout oppose.
En langue persane, « Stan » est le suffixe associé aux anciennes Républiques socialistes soviétiques d’Asie centrale. C’est également le nom de la série de Pierre Cattoni. Le projet a débuté lors d’un voyage en Arménie. Bien qu’il ne soit géographiquement pas situé dans cette région du continent asiatique, ce pays de l’ex-URSS est encore très imprégné par les années soviétiques. Ces terres marquées par leurs passés politiques fascinent l’artiste. Et plus particulièrement l’Ouzbékistan, aride et désertique, et le Kirghizistan, rocheux et agricole. Toujours en proie de l’ancienne dictature promulguée par Islam Karimov, l’Ouzbékistan se positionne en leader économique. À l’inverse, le Kirghizistan, dépendant économiquement, se détache de ce modèle politique en devenant, en 2010, la première démocratie de la région.
Entre les deux territoires, les différences ne cessent de se creuser. Bien que la dictature en Ouzbékistan se soit adoucie, les images de Pierre Cattoni illustrent une terre très surveillée où les infrastructures sont désertées. « Au Kirghizistan, les choses sont différentes. Le pays profite d’une certaine ouverture. Par exemple : un bar tenu par un couple lesbien dans lequel je suis allé boire une bière à mon arrivée. L’équilibre reste assez fragile cependant… Les crises et combats surviennent encore fréquemment », explique le photographe.
Un journal de bord argentique
L’autre passion de Pierre Cattoni ? La musique. Actuellement agent de compositeurs pour le cinéma, l’artiste mêle les arts. Dans Stan, il partage quelques extraits de son journal de bord et révèle ainsi son attrait pour les mots. « L’écriture permet de se souvenir précisément, même plusieurs mois après, des sentiments vécus à chaque instant. Les mots bruts de Nicolas Bouvier dans L’usage du monde m’ont convaincu de tenir ce journal avec sérieux », confie-t-il. Ses clichés, eux, sont teintés d’une errance vagabonde. « C’est le point de départ. Qu’il s’agisse d’un voyage, d’une sortie quotidienne ou d’une commande, j’ai avant tout besoin d’errer pour m’imprégner d’un lieu et de son ambiance. »
Pour ce projet, Pierre Cattoni s’essaye à l’argentique, un véritable coup de cœur. « J’ai eu envie de goûter au grain particulier de l’argentique. C’est un monde nouveau qui s’est ouvert à moi. J’adore la contrainte que cela impose, et le fait qu’on soit limité dans les prises de vue », déclare l’artiste. Une méthode lui permettant de mieux approcher les populations nomades : « J’ai surtout utilisé mon Rolleiflex, pour certains portraits notamment. Ce vieux boîtier datant de 1953 a attisé les curiosités des habitants. » Concernant ses inspirations, l’artiste aime ceux qui savent restituer l’essence même d’une ville ou d’un lieu : Garry Winograns, Vivian Maier, ou encore « les génies de la photographie argentique » tels que René Burri et Harry Gruyaert. Pierre Cattoni signe-là un voyage politique fait de rencontres tendres et intimes.
© Pierre Cattoni