Dreamscapes : les doubles errances de Dora Kontha

27 janvier 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Dreamscapes : les doubles errances de Dora Kontha
57°12’29.3”N 6°10’39.2”W © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
© Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
63°58’54.4”N 19°04’05.6”W © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery

Publié aux éditions 89books, Dreamscapes nous plonge dans des paysages captivants et interroge les émotions que l’on peut éprouver pour la nature. Après avoir immortalisé ses pérégrinations dans le monde entier, la photographe et designeuse danoise Dora Kontha fusionne réalité et imaginaire à l’aide d’un processus créatif expérimental envoutant. Un voyage introspectif unique qui nous berce entre des coordonnées géographiques de paysages réels et des représentations d’un univers fantasmagorique. Entretien

Fisheye : Quand as-tu commencé à capturer ton environnement ?

Dora Kontha : Il y a plusieurs années, je suis tombée par hasard sur le vieil appareil photo Praktica de ma grand-mère. Son design classique, le processus de développement du film, l’excitation de voir un négatif fraîchement développé et l’aspect sentimental des clichés m’ont fascinée. Ce boitier est devenu mon compagnon de tous les instants, m’accompagnant partout où je documente mon environnement et mes voyages. 

Pour une raison inconnue, j’ai toujours été attirée par les paysages éloignés et dramatiques, de sorte qu’une partie de mon travail se concentre sur les espaces sauvages et sur la forme d’une nature irréelle. L’expérimentation a également joué un rôle et j’ai lentement commencé à développer des séries sur les paysages intérieurs.

Comment définirais-tu ton approche du médium?

Je m’intéresse beaucoup à la façon dont les souvenirs et les sentiments personnels sont associés à différents lieux physiques. Mon principal but est de trouver le point de rencontre entre le subjectif et l’objectif, le réel et l’irréel, l’imaginable et le tangible, et la manière dont ils s’influencent mutuellement. La recherche de la frontière entre le rationnel et l’irrationnel est un instant clé de mon travail, où il est difficile de distinguer la réalité du rêve. Des objets concrets et des moments précis commencent à fusionner avec des couleurs inattendues, des formes floues, des souvenirs lointains et des sentiments doux. Les associations d’images explorent l’importance des expériences émotionnelles, la relation de l’individu à la réalité et l’influence de la mémoire subjective sur le monde physique.

64°03’32.2”N 16°10’27.1”W © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
© Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
© Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
62°12’23.5”N 7°14’32.1”W © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery

Justement, dans ton ouvrage intitulé Dreamscapes, tu associes des paysages à des photographies expérimentales. Peux-tu nous en dire davantage ?

Mon livre présente un voyage intérieur et extérieur à travers des photographies soigneusement sélectionnées. Elles trouvent leur origine dans l’évasion, le sentiment de liberté, la nostalgie d’endroits illusoires et l’impatience de découvrir des paysages d’un autre monde et sont remplies de souvenirs personnels, de sensations et d’émotions qui appartiennent à différents lieux. À travers ce travail, mon objectif était d’unifier les paysages intérieurs et extérieurs en créant une expérience de perception cohérente.

Quel est le processus créatif qui se cache derrière ce projet ?

Les photos de paysages sont prises lors de voyages dans différentes parties du monde avec mon appareil photo 35 mm. C’est dans la nature que je puise l’essentiel de mon inspiration. Je suis particulièrement attiré par les endroits isolés et j’ai toujours aimé capturer des environnements sans humains ni infrastructures. Je m’attache à saisir l’authenticité de ces lieux, en mettant en valeur leur beauté naturelle et non filtrée.

Puis, j’utilise mes films négatifs comme des toiles pour créer des univers imaginaires, où les souvenirs personnels, les sentiments et les paysages réels se confondent. Pour y parvenir, je travaille avec des procédés alternatifs et des techniques expérimentales, et je m’intéresse aussi beaucoup au médium sans caméra. Mon processus est plutôt lent et consiste en de nombreux échecs.

Qu’apprécies-tu dans la photographie expérimentale ?

J’aime à penser que les possibilités sont infinies, et l’expérimentation est exactement cela. Les sentiments peuvent être exprimés de tant de façons. J’essaye des choses et des combinaisons jusqu’à ce que j’atteigne le résultat visuel que je me suis fixé. Les surprises et les erreurs rendent l’exercice encore plus excitant et inspirant.

© Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
46°54’55.2”N 10°55’04.1”E © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
62°05’15.2”N 7°23’25.9”W © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
© Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery

Quels sont les paysages qui te marquent le plus lors de tes pérégrinations ? 

Je suis très influencé par les paysages nordiques, les montagnes, les volcans, les glaciers et la diversité générale du monde et de la nature. Toutes ces impulsions se retrouvent dans mes photos. D’ailleurs, mes voyages impliquent souvent des défis tels que des randonnées physiquement exigeantes, des conditions météorologiques extrêmes ou des animaux dangereux, mais pour une raison ou une autre, ces situations deviennent les souvenirs les plus remarquables pour lesquels je me sens si reconnaissante. Ce qui me touche également, c’est de voir des animaux sauvages dans leur habitat naturel. L’année dernière, j’ai visité l’Australie pour la première fois et, outre les paysages absolument incroyables, percevoir des koalas, des kangourous et des wombats dans la nature m’a profondément émue.

Peux-tu nous présenter ta paire de paysages préférée ? 

Il s’agit de cette montagne des Highlands écossais avec sa forme symétrique et son atmosphère mystique. Elle était majestueuse et semblait presque irréelle. Les conditions météorologiques changeaient rapidement et soudainement, les nuages et l’orage à venir lui ont donné un aspect dramatique avec une tonalité violette. Le paysage intérieur qui en résulte correspond exactement à ce que j’avais en tête en termes de couleurs, de formes et d’ambiance avant de commencer à travailler dessus. La façon dont il a évolué et dont les deux photographies se complètent représente pour moi l’unité.

57°16’53.1”N 6°11’11.0”W © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
© Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
63°40’31.6”N 19°29’26.0”W © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
© Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
© Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
57°12’29.3”N 6°10’39.2”W © Courtesy of Dora Kontha and TOBE Gallery
À lire aussi
« FROZEN LIGHTS » : manifeste pour la protection des écosystèmes de montagne
« FROZEN LIGHTS » : manifeste pour la protection des écosystèmes de montagne
Du 5 au 25 février au Forum Paracelsus de St Moritz, la galerie suisse Bildhalle présente FROZEN LIGHTS, une exposition méditative et…
03 février 2023   •  
Écrit par Costanza Spina
The Pigment Change : les recherches photographiques d’Almudena Romero 
© Almudena Romero
The Pigment Change : les recherches photographiques d’Almudena Romero 
The Pigment Change, fascinant livre d’Almudena Romero publié par Fisheye Éditions, dévoile les expériences engagées de l’artiste…
17 octobre 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Empathie, limules et changement climatique : dans la photothèque d’Alice Pallot
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ? © Alice Pallot
Empathie, limules et changement climatique : dans la photothèque d’Alice Pallot
Aujourd’hui, Alice Pallot nous ouvre les portes de son imaginaire aussi engagé que poétique. À travers ses inspirations et ses…
24 janvier 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Explorez
Dans l’œil de Juliette-Andréa Élie : éprouver le paysage qui se transforme
© Juliette-Andréa Élie, œuvre réalisée dans le cadre d'une résidence au musée Nicéphore Niépce
Dans l’œil de Juliette-Andréa Élie : éprouver le paysage qui se transforme
Cette semaine, plongée dans l’œil de Juliette-Andréa Élie. Au moyen de diverses techniques, la photographe et plasticienne compose des...
22 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de Massimiliano Corteselli : l’inextinguible feu du mont Chimère
© Massimiliano Corteselli
Dans l’œil de Massimiliano Corteselli : l’inextinguible feu du mont Chimère
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Massimiliano Corteselli, auteur de la série Contrapasso. Dans ce projet au long cours, dont nous...
15 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Change à la Galerie Triangle : six histoires de ravage et d'espoir
© Dana Tentea / Courtesy of Galerie Triangle
Change à la Galerie Triangle : six histoires de ravage et d’espoir
Du 1er au 14 juillet, dans le cadre des Rencontres d’Arles, la Galerie Triangle consacre une exposition à la cause environnementale, et...
28 juin 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Une photographie contemporaine 100% nature à l’Abbaye de l’Épau
© Myrto Papadopoulos
Une photographie contemporaine 100% nature à l’Abbaye de l’Épau
Jusqu’au 3 novembre, l’Abbaye de l’Épau présente Dans les herbes hautes, une série d’expositions contemplatives qui ont lieu dans son...
27 juin 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina