Les paysages émancipés de Léonard Pongo

05 décembre 2023   •  
Écrit par Eric Karsenty
Les paysages émancipés de Léonard Pongo
© Léonard Pongo
© Léonard Pongo

Exposé aux Rencontres photographiques de Guyane dont la 8e édition vient juste d’ouvrir, la série Primordial Earth de Léonard Pongo se déploie dans des scénographies complémentaires. De passage à Paris dans le cadre d’une conférence à la Sorbonne, le photographe s’explique sur les origines et l’ambition de ce projet protéiforme, toujours en cours.

Né en Belgique en 1988, Léonard Pongo vit et travaille entre Bruxelles et la République démocratique du Congo (RDC), où il a une partie de sa famille et de ses origines. Son œuvre est aujourd’hui reconnue et exposée un peu partout dans le monde : Lubumbashi, Bamako, Pékin, Cayenne…, et dans des lieux comme la Tate à Londres ou au Palais des Beaux-Arts (Bozar) de Bruxelles.

Le chemin qui l’a conduit à réaliser les images de la série Primordial Earth présentées actuellement à Saint-Laurent-du-Maroni mérite d’être retracé pour comprendre la portée de son travail. Si le début de sa carrière commence avec la presse, comme pour beaucoup de photographes, Léonard Pongo délaisse progressivement la recherche de « l’instant décisif » pour s’intéresser aux « moments faibles », aux temps de l’entre-deux qui, à leur manière, expriment beaucoup. Il s’affranchit d’une prétendue maîtrise de la forme et du cadre pour se laisser absorber par les situations qu’il rencontre. Tout en poursuivant ses commandes pour les médias internationaux, principalement au Congo, il utilise ses relations familiales pour explorer un Congo qu’il découvre progressivement. N’hésitant pas à travailler avec la presse quotidienne, il se familiarise avec le lingala – langue largement répandue en RDC – et développe le projet The Uncanny (en référence à la notion d’inquiétante étrangeté). Une série composée de nombreux portraits et de scènes qu’il choisit de montrer dans des noirs et blancs intenses et contrastés. Une mosaïque qu’il assemble autant qu’elle le construit, de 2011 à 2018, et trouve son aboutissement dans un ouvrage éponyme publié aux éditions Gost Books, à Londres, en août 2023.

© Léonard Pongo
© Léonard Pongo
© Léonard Pongo

Entrer dans la danse

Prenant goût à l’émancipation et à la liberté des formes qu’il expérimente, Léonard Pongo s’intéresse de plus en plus aux liens qui le rattachent à ce pays et à ses paysages. Délaissant l’expertise au profit de l’expérience, il entreprend avec Primordial Earth une « pérégrination dans les paysages ». La photographie devient le lieu où il injecte plusieurs types de contenus pour construire une narration non linéaire dans laquelle il impose ses courts-circuits. Les images s’affranchissent de leurs formes et formats traditionnels, investissent l’espace de l’installation, s’impriment sur des voiles, se transforment en tissages, s’animent en vidéos, deviennent mouvantes, émouvantes. Comme celles accrochées sur de grandes toiles suspendues aux branches du manguier géant trônant dans la cour du bagne de Saint-Laurent-du Maroni.

Des images qui s’inscrivent parfaitement dans la thématique de cette 8e édition des Rencontres photographiques de Guyane placée sous l’égide du poète Édouard Glissant qui écrit : « Notre paysage est son propre monument. » Des clichés qui font écho aux travaux des autres photographes de l’exposition Panser les paysages (post)-coloniaux imaginée par la commissaire Estelle Lecaille. Bercées par les alizés, les images-paysages viennent frôler le public, les invitent à entrer dans la danse. Toujours à la recherche de nouvelles expériences visuelles, l’artiste modifie les capteurs numériques de son boîtier afin de laisser filtrer des longueurs d’onde invisibles à l’œil. L’appareil se transforme alors en une sorte de sismographe qui capte les vibrations du monde, telle la baguette d’un sourcier. C’est dans cette aventure avec les paysages à l’énergie contagieuse que Léonard Pongo parvient à traduire dans ses images une poésie aussi mystérieuse qu’envoutante.

© Léonard Pongo
© Léonard Pongo
© Léonard Pongo
© Léonard Pongo
© Léonard Pongo
À lire aussi
La biennale des Rencontres de Guyane revient pour une 8e édition !
/ Rencontres photographiques de Guyane
La biennale des Rencontres de Guyane revient pour une 8e édition !
L’unique festival de photographie des départements d’outre-mer revient pour une huitième édition qui s’annonce prometteuse ! Du 15…
23 octobre 2023   •  
Écrit par Milena Ill
« Soleil cou coupé » : une île à la beauté torturée
« Soleil cou coupé » : une île à la beauté torturée
C’est durant un vernissage étrange – adapté aux normes Covid-19 – que nous découvrons Soleil cou coupé, l’exposition de Gregory Halpern à…
09 septembre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Fisheye vous invite au Salon de la Photo 2024 !
© Jean-Christian Bourcart
Fisheye vous invite au Salon de la Photo 2024 !
Le Salon de la Photo revient à la Grande Halle de la Villette du jeudi 10 au dimanche 13 octobre 2024. Le public pourra y découvrir...
01 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœurs #511 : Ludivine Amelot et Magdalena Ptiček
© Ludivine Amelot
Les coups de cœurs #511 : Ludivine Amelot et Magdalena Ptiček
Ludivine Amelot et Magdalena Ptiček, nos coups de cœur de la semaine, capturent leur environnement à la manière d’un journal de bord. La...
23 septembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
I See You : 14 artistes en quête d’une connexion véritable à Bildhalle
© Eloïse Labarbe-Lafon
I See You : 14 artistes en quête d’une connexion véritable à Bildhalle
I See You est la nouvelle exposition du Bildhalle à Amsterdam, en collaboration avec le magazine Harper's Bazaar, mettant en dialogue 7...
23 septembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Rémi Sourice : en mouvement, dans l’immensité
© Rémi Sourice
Rémi Sourice : en mouvement, dans l’immensité
Dans le sud de la Tunisie comme au cœur de zones urbaines, Rémi Sourice documente les paysages et fige les rencontres qu’il multiplie au...
20 septembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Frédéric D. Oberland : la victoire de l'invisible
© Frédéric D. Oberland
Frédéric D. Oberland : la victoire de l’invisible
À la fois compositeur multi-instrumentiste et artiste visuel, Frédéric D. Oberland raconte des histoires de tourmente et de...
05 octobre 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Dans Fisheye, les photographes combattent hors front
© Orianne Ciantar Olive
Dans Fisheye, les photographes combattent hors front
Enjeux sociétaux, crise environnementale, représentation du genre… Les photographes publié·es sur Fisheye ne cessent de raconter, par le...
04 octobre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Flowers Drink the River : nature et inclusivité, selon Pia-Paulina Guilmoth
© Pia-Paulina Guilmoth
Flowers Drink the River : nature et inclusivité, selon Pia-Paulina Guilmoth
En quête de beauté et de magie, Pia-Paulina Guilmoth photographie au cœur de la nuit sa famille choisie. Ses images, quasi hantées, nous...
04 octobre 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Le fonds photographique de la Fnac retrace l’histoire du 8e art dans un beau-livre
Maison en feu dans un village, Presqu’île de Yamal, Sibérie Polaire, 1992 © Françoise Huguier / Agence VU’
Le fonds photographique de la Fnac retrace l’histoire du 8e art dans un beau-livre
À l’occasion de son 70e anniversaire, la Fnac publie un beau-livre aux éditions Gallimard. Celui-ci s’articule autour de son fonds...
03 octobre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet