Elina Brotherus inaugure sa quatrième exposition personnelle dans la galerie Camara Oscura à Madrid. Jusqu’au 23 décembre, l’exposition Artist as a Clown présente ses photographies performatives et mène une réflexion tranchante et poétique sur la manière dont les artistes construisent et soignent leur image.
Elina Brotherus (Helsinki, Finlande, 1972) est probablement l’une des artistes les plus prometteuses de sa génération, considérée par certain·es comme la femme photographe contemporaine la plus importante en Europe. Issue de l’école Helsinki School of Photography, elle mélange à sa pratique photographique l’art de la performance, en reproduisant des codes de l’art performatif des années 1950-1970, porté par des figures comme Cindy Sherman. Dans l’exposition présentée à Camara Oscura, à Madrid, elle présente un corpus de travaux autour de la représentation de l’artiste en société. Au-delà de cette thématique, qui ne manque pas d’ironie, l’artiste questionne la relation des humain·es au paysage, ainsi que les liens qui unissent un·e photographe à son modèle. La place de la femme dans l’art est l’un de sujets chers à la photographe : à la fois sujet créateur et objet du regard des autres, elle lutte encore pour l’égalité dans un monde masculin, où toutes les représentations sont filtrées par l’œil des hommes.
Un féminisme « implicite »
Brotherus rejoue dans ses photographies des histoires intimes qui renvoient à une forme de féminisme « implicite ». Ce sont des autoportraits qui adressent puissamment la question du corps de la femme dans la nature, en dialogue avec les éléments. L’idée n’est aucunement pas de retrouver un soi-disant « féminin sacré », mais bien de voir comment les corps assignés « féminins » investissent l’espace. Elle s’empare du regard féminin, qu’elle explore autant en tant que photographe qu’en tant que modèle. En face et derrière la caméra, elle compose une œuvre totale, qui abat la frontière entre l’autrice et son sujet photographique. Nombre des œuvres qui en résultent sont liées à l’identité et au rôle de l’artiste, ainsi qu’à la position des femmes dans un monde de l’art encore dominé par les hommes. De cette recherche, émerge une demande plus large d’égalité, mais aussi le courage et la nécessité de trouver sa propre voix. Son travail alterne les approches autobiographiques et historiques de l’art en utilisant des images emblématiques de la peinture des 19e et 20e siècles ainsi que l’inspiration du mouvement Fluxus. Un mélange de genres qui lui permet de jouer avec les codes plus objectifs et établis de l’art contemporain, tout en insufflant un récit intime et émotionnel.