Disponible dans les kiosques, le dernier numéro de Fisheye, intitulé Ressource, donne à voir, par l’image, les signaux évocateurs de grands changements. Et au cœur de ces évolutions, notre rapport à l’environnement.
« Souvent subtils, difficiles à détecter et paraissant insignifiants ou sans rapport avec les courants dominants, les signaux faibles indiquent des changements importants à venir. Ils sont présents à tous les niveaux de la société, et sont certainement les indices les plus précieux à observer. En tant que magazine de photographie contemporaine ayant fait le choix de ne pas être lié à l’actualité, Fisheye porte son regard sur des tendances de fond à travers les travaux d’auteurices. Chacun·e à leur manière, ils nous décrivent un versant de notre société que l’on devine à peine. Parfois, cela semble même onirique, tant le rapport au réel est ténu. » De la porosité entre les médiums à la poésie la plus sensible, de l’étude des mécanismes de nos sociétés aux expérimentations artistiques, les différent·es artistes présent·es sur nos pages affirment, à nouveau, le besoin de créer pour faire face aux urgences et inégalités.
Dans notre cahier central, c’est autour d’une thématique commune que s’articulent les œuvres des photographes mis·es en avant : l’environnement. En Colombie, au cœur des mines d’émeraudes à ciel ouvert, Ana Núñez Rodriguez réalise Flower Rock. Un travail auréolé de nuances vertes et rosées s’inspirant des croyances et superstitions qui entourent l’extraction de cette pierre. À travers Fleurs de feux, le témoignage des cendres, Anaïs Tondeur, lauréate de l’édition 2023 du prix Photographie & Sciences, étudie ensuite les végétaux qui poussent dans les territoires extrêmes, là où les sols sont irradiés, pollués, impropres à la vie. Au moyen d’une pellicule infrarouge, lui permettant de détecter la chaleur émise par les objets et, ce faisant, de convoquer l’invisible, Maxime Riché construit, quant à lui, Paradise, une série fantasmagorique aux tons sublimes, inspirée par les méga feux et leurs ravages. « Géographe poète », Sylvie Bonnot présente, en parallèle, Corps de brume. Un travail autour des forêts qui l’entourent, en Bourgogne, et de leur mutation, précipitée par le réchauffement climatique. Jouant avec la gélatine de ses clichés, qu’elle décolle, elle s’attache à « réactiver la partie sensible de l’image photographique ». Lui aussi inspiré par un territoire délimité, Andràs Zoltai documente, dans Blue Memoir, la Tisza. Malmenée par les conséquences de la crise écologique, la rivière souffre aujourd’hui à la fois d’un manque et d’un excès d’eau. Une catastrophe restée dans l’ombre que le photographe parvient brillamment à révéler. Enfin, avec Les Éternels Éphémères, Maewenn Bourcelot rend hommage au monde du vivant, en capturant les abeilles, ces animaux indispensables et pourtant menacés. Photographiant ses sujets à la manière de véritables bijoux, luxueux et délicats, l’artiste s’éloigne du réel pour souligner une beauté irréelle – empoisonnée.