Depuis plus de deux ans, Focus s’attache à raconter des histoires : celles qui enrichissent les séries des photographes publié·es dans nos pages. À l’occasion de la sortie de notre numéro dédié aux fiertés, retour sur les différents épisodes nourris par cette thématique aux multiples nuances.
Corps en transition, mis à mal ou placés en marge. Corps militants qui revendiquent un besoin d’émancipation, d’affirmation. Corps dansants, corps performés… Depuis sa création, le site de Fisheye ne cesse de donner la parole aux minorités opprimées. Parmi elles, la communauté LGBTQIA+ et sa scène artistique effervescente. De l’exploration du genre aux soirées privées où chacun·e est libre de se révéler comme il ou elle l’entend, des violences subies à l’exaltation de la tolérance, les photographes illustrent avec sensibilité la notion de genre et ses fluctuations, défendent sans concession la scène queer et ses nombreux talents, réinventent sans cesse le rapport à l’intime. Documentaire, collage, mise en scène ou même virées dans l’espace, tous·tes multiplient les écritures et les esthétiques pour souligner, à leur manière, l’importance de témoigner des évolutions comme des discriminations qui demeurent.
Une communauté en métamorphose
Au flash, Vincent Ferrané capture, dans Every-day, les rituels de sept personnes transgenres et non-binaires alors qu’elles s’apprêtent à sortir de chez elles. Rasage, maquillage, binders, prothèses… Tout en douceur, il révèle les habitudes qui restent d’ordinaire invisibles. À travers Désidération, SMITH nous présente son cosmos déconstruit. Un univers onirique où s’unissent les êtres, les organismes, les éléments et les étoiles dans un ensemble harmonieux Au Pakistan, Lucas Barioulet documente le quotidien tragique des hijras, ces femmes transgenres qui vivent de la prostitution. Et c’est en Sicile, dans le quartier rouge de Catane, où se croisent travestis et prostituées, que Lorenzo Castore réalise Glitter Blues, un récit intimiste à l’intersection des notions de genre, de choix et d’identité. Dans un noir et blanc léger, Romy Alizée décline quant à elle son queer gaze tout en interrogeant, non sans humour, notre rapport au voyeurisme avec des performances. Tout comme Gabriel Dia, qui s’inspire de la danse pour produire ses autoportraits. Une mosaïque d’œuvres colorées symboliques de l’acceptation de sa sexualité. À l’aide d’un cutter, Michael Young découpe des silhouettes dans des calendriers gays des années 1980 à 2000 et fait de Hidden Glances une recherche insolite sur les archétypes ultra-masculins et leur importance au sein de la communauté queer. Enfin, dans Until You Change, Paola Paredes raconte l’envers des thérapies de conversion avec des mises en scène glaçantes. Ces établissements cauchemardesques, où tortures et humiliations sont monnaie courante, tentent de « rectifier » les personnes homosexuel·les et trans. Les auteurices qui interviennent dans nos épisodes de Focus s’imposent comme les porte-paroles d’une communauté en constante métamorphose, dont ils et elles sont membres ou allié·es. Les nuances de genre et de sexualité se revendiquent ou se devinent pour finalement nourrir une création – que celle-ci soit militante, ou simplement nécessaire.