Depuis plus de deux ans, Focus s’attache à raconter des histoires : celles qui enrichissent les séries des photographes publié·e·s dans nos pages. En écho au fil rouge de ce numéro, lumière sur trois femmes photographes dont les récits visuels témoignent de leur engagement.
Sophie Alyz
Des œuvres étrangement douces, comme peintes à l’aquarelle, composent la série Beak de Sophie Alyz. En 2019, alors qu’elle part en vacances en Suisse, la photographe est frappée par le chant des oiseaux à la sortie du train. Un son qui dépasse le bruit de la circulation et s’oppose au silence bien connu des citadins·es. Comme un hommage aux animaux maltraités, elle imagine une mosaïque d’images aux nuances pastel où se croisent les nuances de plumages, les ombres chinoises des arbres et le bleu – presque délavé – du ciel. Inspirée par la peinture et l’illustration, l’artiste s’affranchit de toute écriture documentaire pour évoquer l’urgence climatique. Comme si, à travers la contemplation, elle parvenait à prendre une bouffée d’air frais. « C’est ma manière de rendre la réalité un peu plus supportable », nous confie-t-elle.
Paola Paredes
« Je suis une photographe, conteuse, artiste visuelle, et aussi une lesbienne queer équatorienne. » C’est ainsi que Paola Paredes se présente dans les premières secondes de son Focus. Militante, la photographe fait de Until You Change une suite de saynètes glaçantes révélant l’horreur des cliniques de conversion implantées dans son pays, où l’on s’efforce de changer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Éclairages crus, mises en scènes théâtrales, visages déformés par la douleur ou assombris par le désespoir… Jouant elle-même les rôles des différent·es « patient·es », l’autrice devient actrice pour mettre en lumière les tortures subies au sein de ces établissements. Une performance qui la laisse « affectée psychologiquement, drainée émotionnellement, très triste », et qui s’impose comme une affirmation de son engagement au sein de la communauté LGBTQIA+.
Zoé Chauvet
Portraits de proches, paysages géologiques, compositions abstraites et lumineuses… Faite de strates de textures et de couleurs – un tatouage sur une peau nue, une boucle d’oreille qui scintille, les roches d’une grotte sublimées par des néons, des filtres bariolés qui remodèlent l’environnement – l’œuvre de Zoé Chauvet est en perpétuelle transformation. « Je considère les corps comme des espaces en mutation constante – avec les corps queers, c’est encore plus opérant », affirme-t-elle. Aux frontières du réel et de l’abstraction, ses créations façonnent un univers fantasmé où les êtres se fondent dans la terre, où les silhouettes glissent sur la pierre. Autour, tout est blanc : le calcaire des carrières qui accueillent ses shootings, comme la paix intérieure que lui procure le fait de représenter ainsi sa communauté. « Dans n’importe quel projet photographique, il y a une forme de sublimation, un rapport à l’éclat de vie », conclut-elle.