Jean Ranobrac : des imaginaires queers iconiques

22 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Jean Ranobrac : des imaginaires queers iconiques
© Jean Ranobrac
© Jean Ranobrac
Éditions Hoëbeke Gallimard
128 pages
25 €

Jean Ranobrac est artiste et photographe. Magicien de la retouche, il est connu pour ses univers queers déjantés. Après avoir arpenté les nuits parisiennes et le monde de la fête, notamment à travers les soirées Kindergarten, il s’établit comme portraitiste. En 2024, il publie son premier livre, Icônes Drag , avec Daphné Bürki, coprésentatrice de l’émission Drag Race France, à laquelle il participe en tant que photographe invité. Pour Fisheye, il présente sa série Man on Canvas, qui revisite les codes de la peinture romantique en adoptant un prisme pop et queer.

Fisheye : Peux-tu nous raconter ton parcours de photographe ?

Jean Ranobrac : J’ai commencé la photo comme d’autres commencent un journal intime. Je fixais dans le temps mes rencontres et mes moments, et dans ma chambre, je transformais mes ami·es en superstars, avec des tentatives plus ou moins réussies de recréer des images iconiques. Puis, je me suis dit que, quitte à jouer avec la lumière, autant comprendre comment elle fonctionne : direction un BTS pour décortiquer tout ça. Ensuite, Paris m’a accueilli avec trois années d’études photo plus professionnalisantes. Depuis, je jongle entre projets perso, commandes photos et retouches.

Quelles sont les principales inspirations de ton travail ?

J’ai grandi dans les musées, entouré de toiles et de sculptures, des peintres du romantisme, du réalisme, des icônes religieuses : tout ça m’a appris l’art de la symétrie et du symbolisme. Mais je suis aussi un enfant de la pop culture, avec un goût prononcé pour les cabarets, les drags et l’avant-garde. En gros, mes inspirations vont de la Joconde à Lady Gaga, en passant par un soupçon de RuPaul et d’Iris Van Herpen.

Peux-tu nous parler de la série Men on Canvas ?

Men on Canvas est une série personnelle que j’ai réalisée avant tout pour le plaisir. Ces projets me permettent de créer des images percutantes tout en partageant des moments agréables avec mes modèles, qui sont souvent des amis proches. Ici, j’ai voulu explorer et revisiter l’utilisation du nu masculin dans l’histoire de la peinture. En remplaçant les corps peints par des photographies contemporaines, j’ai cherché à actualiser ces œuvres iconiques en y intégrant des personnes bien vivantes. C’était une manière pour moi de rendre hommage aux études du corps masculin tout en leur offrant une nouvelle perspective.

© Jean Ranobrac
© Jean Ranobrac

Tu es aussi habile en photographie qu’en retouche. Quelle en est ton approche ? Comment l’as-tu utilisée sur Men on Canvas ?

Au début de mon parcours, avec des espaces limités et un matériel restreint, j’ai dû m’adapter pour obtenir les rendus que j’avais en tête. La retouche est rapidement devenue un outil essentiel, transformant l’acte photographique en une étape parmi d’autres dans une composition graphique plus large. La photographie, pour moi, sert de lien social, connectant des personnes à travers des projets et des instants partagés. La retouche, en revanche, est un espace de création pure, où tout devient possible dès lors qu’on en a l’idée. Dans Men on Canvas, elle m’a permis d’actualiser les inspirations classiques en jouant sur les textures, les couleurs et les détails pour donner une nouvelle vie aux références historiques. Avec mes collaborations, notamment avec des drags et leurs visions audacieuses, j’ai souvent été poussé à repousser mes limites, ce qui a enrichi mon approche créative.

Tes images contribuent à visibiliser des imaginaires queers, particulièrement drag. En quoi la photographie peut-elle participer à changer les regards d’une société ?

La photographie est un puissant levier pour transformer les perceptions sociales. En capturant des visuels vibrants et authentiques du drag, je cherche à dépasser les stéréotypes et à montrer la richesse de cet art comme une véritable forme d’expression culturelle. Mes images offrent une fenêtre sur des univers où la liberté et l’audace s’épanouissent, invitant le·a spectateur·ice à une réflexion intime sur la diversité et l’authenticité. En rendant visibles ces imaginaires queers, la photographie devient un outil de sensibilisation et de dialogue capable de déconstruire les préjugés et d’encourager une acceptation plus profonde de toutes les identités dans notre société.

© Jean Ranobrac
À lire aussi
Under Your Skin : drag queens démasquées
© Manon Boyer
Under Your Skin : drag queens démasquées
Dans Under Your Skin, la photographe Manon Boyer capture les corps des drag-queens, figures iconiques associées à la performance comme à…
03 janvier 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Et si la photo parfaite était retouchée ?
Et si la photo parfaite était retouchée ?
Sujets insolites ou tendance, faites un break avec notre curiosité de la semaine. La mère migrante est l’un des clichés les plus connus…
05 décembre 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Ekaterina Perfilieva et l'intime au cœur de la fracture
© Ekaterina Perfilieva, Nocturnal Animals
Ekaterina Perfilieva et l’intime au cœur de la fracture
À la fois distante et profondément engagée, Ekaterina Perfilieva, artiste multidisciplinaire, interroge une contemporanéité...
17 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
Megapolis, Puteaux, 2025 © Aleksander Filippov
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
À l’occasion des 80 ans de la Libération, les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique ont lancé...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Carmela, série Carmela © Emma Tholot
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Marina Viguier et Emma Tholot, nos coups de cœur de la semaine, explorent la théâtralité comme outil de résistance, de liberté et de...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ekaterina Perfilieva et l'intime au cœur de la fracture
© Ekaterina Perfilieva, Nocturnal Animals
Ekaterina Perfilieva et l’intime au cœur de la fracture
À la fois distante et profondément engagée, Ekaterina Perfilieva, artiste multidisciplinaire, interroge une contemporanéité...
17 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
© Valérie Belin
Le 7 à 9 de Chanel : Valérie Belin et la beauté, cette quête insoluble
L’heure des rencontres « 7 à 9 de Chanel » au Jeu de Paume a sonné. En cette rentrée, c’est au tour de Valérie Belin, quatrième invitée...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
© Sara Lepore / Instagram
La sélection Instagram #524 : espaces intimes
La maison se fait à la fois abri du monde et porte vers le dehors, espace de l’intime et miroir de nos modes de vie. Les artistes de...
16 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
5 coups de cœur qui témoignent d'un quotidien
I **** New York © Ludwig Favre
5 coups de cœur qui témoignent d’un quotidien
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
15 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet