La fille du marin : les aventures océaniques de Katalin Száraz

14 juin 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La fille du marin : les aventures océaniques de Katalin Száraz
© Katalin Száraz
© Katalin Száraz

Katalin Száraz compose, avec La fille du marin, un hommage visuel à la profession de son père. Une série oscillant entre les fantasmes de son enfance et ses propres expéditions, sur les traces de ses parents.

Il y a des plages au sable rougi par les lueurs d’un phare, des hublots noyés dans l’acier, des grues qui pointent vers le port. Il y a des rêves de voyages lointains et des petites filles qui s’endorment, un coquillage contre l’oreille pour y entendre la mer. Dans La fille du marin, Katalin Száraz fait écho à sa propre enfance, à son imaginaire de périples sur l’océan, et à la réalité qui s’impose pour faire chavirer les fantasmes : « Je n’ai eu la chance de rendre visite à mon père dans un port qu’une fois, pendant une brève période, près de Copenhague », précise-t-elle.

D’origine hongroise, l’artiste aujourd’hui installée à Paris développe « des projets conceptuels qui explore les liens entre le foyer et l’identité dans le contexte d’une vie sur la route ». Il y a dix ans, elle débute ses errances, et s’installe en Belgique, puis en Allemagne avant de mettre cap sur la France, ses pertes de repères devenant, naturellement, un fil rouge de sa création. D’abord adepte de la peinture, c’est à 14 ans, grâce à un boîtier compact de son père, qu’elle découvre le 8e art – une histoire qu’elle n’a, depuis, cessé de poursuivre. Instinctivement, elle envisage ses images comme elle imagine ses tableaux, développant une esthétique picturale où fleurissent symbolisme et nuances colorées. « Il est très important pour moi de créer une atmosphère reconnaissable dans mon travail », affirme-t-elle. Éclairées par des lueurs surnaturelles, les scènes qu’elles capturent s’affranchissent des codes du réalisme. Au cœur de ses errances, le jour chavire dans la nuit, les tons chauds et froids se rencontrent, et nous plongent dans un lieu étrange fait de contes, de souvenirs et de possibles.

© Katalin Száraz
© Katalin Száraz
© Katalin Száraz

L’écho de songes lointains

C’est cette aura fantastique qui enveloppe La fille du marin. Au commencement, une envie de s’inspirer de sa propre intimité : « Je voulais avant tout photographier les lieux où mes parents avait voyagé ensemble, en me basant sur le journal de ma mère et les histoires qu’iels me racontaient lorsque j’étais jeune. Le fait que ces aventures soient réelles m’avait beaucoup enthousiasmée. J’étais obsédée par ces endroits, que j’imaginais magnifiques et mystérieux », se souvient Katalin Száraz. En grandissant, pourtant, elle apprend à distinguer les limites de ces paysages oniriques : les containers qui s’amoncellent à quai, les bâtiments décrépis – ruines d’une lointaine révolution industrielle – et la pollution qui sort, en fumée noire, des cheminées. « Je voulais les représenter. Les gens n’ont, en général, aucune idée de la dualité qu’implique la vie que mène mon père », explique l’autrice.

Pensée comme un véritable périple aux quatre coins du monde, la série a poussé Katalin Száraz à renoncer à un contrôle total de ses compositions pour laisser une place à l’intuition. Comme un rappel à rester sensible face à l’inconnu, à laisser l’inexplicable s’immiscer dans la création. Inspirées par les « habitudes familiales, les souvenirs et les émotions » de son enfance, les images de la série se font l’écho de songes lointain propulsés par une imagination exaltée. Les objets de son quotidien – des trésors que son père rapportait de ses expéditions – croisent des espaces énigmatiques guidant ses pas vers un horizon invisible. Çà et là, des lumières éclairent la sérénité d’un corps plongé dans le sommeil, illuminent le cœur d’un globe d’où semblent émaner les différentes étapes du voyage. Un parcours pétri de nuances, guidé tour à tour par l’âme innocente d’une enfant, et celle, plus sage, de l’adulte qu’elle est devenue.

© Katalin Száraz

© Katalin Száraz

© Katalin Száraz
© Katalin Száraz

© Katalin Száraz

© Katalin Száraz
© Katalin Száraz

© Katalin Száraz
À lire aussi
Marine Lanier : Touché par le fond
© Marine Lanier
Marine Lanier : Touché par le fond
Sur une île déserte, un homme avance, perdu dans sa marche solitaire, son regard vers l’horizon. Au détour…
13 juillet 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Meghan Marin : dans la marée, la mémoire
Meghan Marin : dans la marée, la mémoire
Dans Red River, Meghan Marin a documenté, avec un regard aimant de petite fille, la lente maladie dégénérescente de sa grand-mère Khatie….
10 février 2023   •  
Écrit par Ana Corderot
Explorez
Jonathan Bertin : l'impressionnisme au-delà des frontières
Silhouette urbaine, Séoul Impressionism © Jonathan Bertin
Jonathan Bertin : l’impressionnisme au-delà des frontières
Jusqu’au 20 décembre 2025, Jonathan Bertin présente, à la Galerie Porte B, un dialogue délicat entre sa Normandie natale et Séoul, ville...
20 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
16 expositions photographiques à découvrir en novembre 2025
Topside III, de la série L’île naufragée, 2022 © Richard Pak
16 expositions photographiques à découvrir en novembre 2025
Pour occuper les journées d'automne, la rédaction de Fisheye a sélectionné une série d'événements photographiques à découvrir à Paris et...
17 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Paris Photo 2025 : atteindre sa montagne intérieure avec Suwon Lee
© Suwon Lee, Pico Bolívar I, 2025 / Courtesy of Sorondo Projects
Paris Photo 2025 : atteindre sa montagne intérieure avec Suwon Lee
Présentée cette année par Sorondo Projects (Barcelone) à Paris Photo, la série The Sacred Mountain de Suwon Lee raconte une quête...
14 novembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
© Sara Silks
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
C’est l’heure du récap ! Dans les pages de Fisheye cette semaine, les photographes nous font voyager, aussi bien dans des lieux...
26 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Éternel été, mémoire et masculinité : nos coups de cœur photo de novembre 2025
Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor © Laura Lafon
Éternel été, mémoire et masculinité : nos coups de cœur photo de novembre 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
© Lena Kunz
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
La revue Mouche, qui fait dialoguer le 8e art avec la poésie depuis quatre ans, lance sa maison d’édition Mouche Books avec comme premier...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Affiche Pictorial Service rue de la Comete 1950 © Archives Picto
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Arrière-petit-fils de Pierre Gassmann, Victor Gassmann veille sur l’héritage de Picto, laboratoire emblématique qui a façonné le tirage...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici révèlent les corps et dénoncent les injonctions que nous leur collons. Ils et...
26 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine