Dans Naturalia, le photographe suisse Massimiliano Rossetto dépeint la rencontre violente entre la nature et le paysage urbain. Par la collection méticuleuse de fragments de nature, l’auteur fabrique le récit d’un monde dystopique.
« Venant d’un petit village rural, il est évident que vivre dans l’une des plus grandes capitales européennes a un impact significatif sur ma santé mentale en raison du manque de nature »
raconte Massimiliano Rossetto. Dès son plus jeune âge, le photographe suisse s’est imprégné du 8ème art pour documenter sa famille – une manière de ne rien laisser s’échapper. « C’était très émouvant de regarder les photos de l’album de famille et de voir un vide entre mes 8 et 13 ans. Je pense que c’était inconsciemment une des premières raisons de commencer à prendre des photos » se souvient-il. Comme un remède, la photographie est ensuite devenue un moyen de retrouver des fragments de nature. Intimement touché par l’immense contraste entre la ville et sa campagne natale, l’artiste s’intéresse à l’anthropocène, la durabilité et l’environnement.
Avec pour point de départ l’emprise de l’homme sur la nature, Massimiliano Rossetto mène un projet au long cours intitulé Naturalia. « Ma pratique artistique se concentre sur des espaces ou des objets qui ont été construits, détruits et modifiés par l’activité humaine », explique l’artiste. Il arpente quotidiennement les rues chaotiques de Berlin à la recherche de ces morceaux de nature. Comme des lueurs d’espoir, ces images se conjuguent avec les souvenirs des forêts et lacs de son enfance. Par son regard sincère, il dresse un portrait géologique intime de ce qu’il voit et ressent autour de lui.
Faire coexister deux mondes opposés
Bunkers laissés à l’abandon, arbres aux traits humains, ou bâtiments aux formes primitives, les images de Massimiliano jouent avec la frontière du naturel et de l’artificiel. En opposant « la nature naturelle » et « la nature artificielle » – celle qu’on retrouve en ville – il souligne l’absurdité des constructions humaines, mais montre aussi l’impuissance de cette distinction. Natures artificielles ou artifices naturelles ? Véritable tentative de faire coexister deux mondes opposés, Naturalia cherche la stabilité entre un hommage à la nature et une réalité tristement dystopique.
D’une manière quasi-scientifique, mais toujours teintée de mélancolie, le photographe souligne les paradoxes qui se cachent derrière ses idéaux. À la recherche d’un travail durable et éco-responsable, il trouve dans certains matériaux la cristallisation du problème. En témoignent ses images de planètes faites de béton, allégories de ce à quoi pourrait ressembler l’avenir. « C’est un matériau incroyable, composé de sable, de gravier, de ciment et d’eau. Ces éléments, tous naturels, forment une pierre artificielle. Dans le sens qu’il durera des années, c’est un matériau solide et durable. En même temps, c’est l’un des matériaux de construction les plus polluants », explique Massimiliano Rossetto. Comme un funambule, marchant sur le fil qui sépare nature et ville, l’artiste cherche l’équilibre, et nous invite à faire de même.
© Massimiliano Rossetto