Le cri de la terre blanche

09 octobre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Le cri de la terre blanche

Durant trois ans, Rosa Rodríguez a voyagé dans la région arctique pour réaliser The White Line. Une série documentaire capturant la splendeur du territoire – ainsi que son lent déclin.

« Je m’intéresse tout particulièrement aux sociétés, et à la manière dont elles influencent chaque être humain. Dernièrement, j’ai étudié les communautés qui nouent des liens avec la nature, et qui se battent pour la préserver »

, raconte Rosa Rodríguez. La photographe espagnole s’est tournée vers le médium dès son enfance – une manière de documenter sa propre évolution. « Je suis née dans une famille qui n’était pas intéressée par l’image. À l’âge de douze ans, je n’avais presque aucune photo de moi, et j’ai réalisé l’importance d’immortaliser ses souvenirs », se souvient-elle.

Depuis, l’auteure ne cesse de capturer le monde qui l’entoure et l’inconnu, qui l’attire. Voyageant aux quatre coins du monde, elle s’immerge dans des cultures étrangères et s’efface, pour mieux capter leur essence. Pour réaliser The White Line, la photographe s’est aventurée dans les territoires glacés du Grand Nord. Durant trois ans, elle a vécu avec les Inuits du Groenland, les Nénètses de Sibérie et les Samis de Laponie. Des peuples autochtones vivant une existence incomparable à la nôtre.

© Rosa Rodríguez© Rosa Rodríguez

La beauté des lieux, la résilience des peuples

« Ce projet est né d’un événement personnel : ma mère a passé les trois dernières années de sa vie nourrie par intraveineuse. Après son décès, j’ai ressenti le besoin de retourner aux racines de la nature humaine. Là où il n’y a pas d’artifice, là où la nature décide si l’on meurt ou non »,

confie l’artiste. Face à la beauté des paysages immaculés, Rosa Rodríguez découvre une nature impressionnante et fragile, indomptable et vulnérable. « Je perçois la région arctique comme un grand territoire unique, dont la frontière est le climat. Lorsqu’on s’en approche, les arbres rétrécissent, puis disparaissent : c’est à ce moment que l’on réalise qu’on a atteint notre destination », explique-t-elle.

Sans forêt, les panoramas s’étendent à perte de vue, et les glaciers, sculptures impressionnantes, deviennent des œuvres d’art colossales. Le blanc domine la série de l’auteure espagnole. Il aveugle et efface l’horizon. Dans cette étendue fantomatique, quelques traces seulement révèlent la présence d’êtres vivants – une giclée de sang, des bois d’animaux, un manteau de fourrure… Là-bas, la vie est rude, et les hommes ne survivent qu’en respectant leur environnement. Si la photographe illustre avec brio la splendeur des lieux et la résilience des peuples, elle donne aussi à voir un espace en déclin. « Jusqu’à maintenant, l’Arctique a été protégé par son climat, mais la hausse des températures transforme l’écosystème et la vie des habitants – ces conséquences sont la véritable raison de ce projet », conclut-elle. Dans l’immensité opaline, elle nous invite à trouver les failles, les cicatrices qui font, peu à peu, surface.

© Rosa Rodríguez

© Rosa Rodríguez© Rosa Rodríguez

© Rosa Rodríguez

© Rosa Rodríguez© Rosa Rodríguez

© Rosa Rodríguez© Rosa Rodríguez

© Rosa Rodríguez© Rosa Rodríguez

© Rosa Rodríguez

© Rosa Rodríguez

Explorez
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
© Simon Vansteenwinckel
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
Le nom du lauréat de la 71e édition du prix Nadar Gens d’images vient d’être annoncé : il s’agit de Simon Vansteenwinckel. Le jury l’a...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
a ppr oc he : Rencontre au cœur de l’image
© Emile Gostelie
a ppr oc he : Rencontre au cœur de l’image
Dans cet espace pensé comme une exposition, un·e photographe et un·e commissaire croisent leurs regards. Pour cette première édition...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Fisheye #74 sonde la notion d’éthique en photographie
© Stan Desjeux
Fisheye #74 sonde la notion d’éthique en photographie
Fisheye #74 sera disponible en kiosque ce samedi 8 novembre ! En ce mois consacré à la photographie, notre nouveau numéro s’intéresse à...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
© Laura Menassa
Laura Menassa : Beyrouth comme corps et paysage
Entre journal intime visuel et témoignage collectif, le travail de Laura Menassa explore la fragilité et la résilience au cœur de...
04 novembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Laura Lafon Cadilhac : s'indigner sur les cendres de l'été
Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor © Laura Lafon Cadilhac
Laura Lafon Cadilhac : s’indigner sur les cendres de l’été
Publié chez Saetta Books, Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor de Laura Lafon Cadilhac révèle un été interminable. L’ouvrage se veut...
07 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Écofemmes Fest : un rendez-vous pour créer, lutter, transmettre
Trenza, le lien qui nous unit, 2025 ©Gabriela Larrea Almeida
Écofemmes Fest : un rendez-vous pour créer, lutter, transmettre
Jusqu'au 9 novembre prochain, La Caserne, dans le 10e arrondissement de Paris, accueille la première édition d’Écofemmes Fest, un...
07 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
© Simon Vansteenwinckel
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
Le nom du lauréat de la 71e édition du prix Nadar Gens d’images vient d’être annoncé : il s’agit de Simon Vansteenwinckel. Le jury l’a...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
a ppr oc he : Rencontre au cœur de l’image
© Emile Gostelie
a ppr oc he : Rencontre au cœur de l’image
Dans cet espace pensé comme une exposition, un·e photographe et un·e commissaire croisent leurs regards. Pour cette première édition...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche