L’argentique unit les deux univers emplis de sensibilité de Lucas Frangella et Chloé Destuynder, nos coups de cœur de la semaine. Tandis que l’un capture des natures mortes pour voyager dans l’inconscient, l’autre réalise des portraits créatifs tout en laissant exprimer ses émotions.
Lucas Frangella
« Je pense faire partie de la dernière génération qui a grandi avec la photographie argentique et tout ce que cela évoque : l’attente du développement, les images sur un support papier, les rouleaux des négatifs… Je m’en souviens encore, j’adorais les moments de partage autour des albums et la découverte de clichés de famille, notamment ceux où mes grands-parents étaient jeunes », commence Lucas Frangella. Originaire d’Argentine et désormais installé en France, l’artiste de 32 ans adopte une approche dans laquelle le souvenir se cultive en bouquets vaporeux, qui finissent toujours par s’étioler. À l’aide de son boîtier Polaroïd – outil dont les couleurs et la profondeur de champ résonnent avec sa conception de la beauté –, il se livre ainsi à un voyage dans l’inconscient. « Les souvenirs cohabitent en moi et peuvent parfois construire une réalité parallèle dans mon quotidien. C’est-à-dire que je peux m’absenter quelques secondes, souvent quand je suis seul, et voir défiler les images dans ma tête. C’est peut-être une manière pour moi de contrebalancer l’angoisse du temps qui passe et de vivre à ma guise les évènements », étaye-t-il. Au cœur de cet espace fertile, celui ou celle qui contemple est libre d’interpréter les clichés à sa façon pour mieux laisser jaillir les propres histoires qui l’animent.
Chloé Destuynder
Composer des portraits créatifs et rêveurs permet à Chloé Destuynder d’exprimer ses émotions. Alors qu’elle se prédestinait au théâtre, c’est lors de ses études au cours Florent qu’elle intensifie sa pratique de l’argentique tout en cultivant son univers. « D’une certaine manière, c’est mon parcours de comédienne qui m’a permis de développer ma créativité photographique et ma légitimité à raconter des histoires par ce format », constate l’artiste âgée de 27 ans. Après avoir obtenu son diplôme en 2019, la photographe se consacre entièrement au médium. Aussi réfléchis qu’instinctifs, ses portraits nous emmènent dans un univers presque cinématographique, où les protagonistes se fondent dans des contes inventés de toutes pièces. Un réel jeu de perception des visages se met alors en place. Ces derniers se retrouvent, pour la plupart, embués ou dissimulés à l’aide de divers stratagèmes, puis certains réapparaissent, par exemple, sur un écran de télévision ou à travers du plastique déchiré. Pour construire ces clichés oniriques et le langage commun qui la lie à ses modèles, Chloé Destuynder s’inspire du cinéma, de la musique, des gens, et de manière générale, de la vie. Elle conclut : « Je considère que tout ce qui nous entoure peut être un terrain de jeu pour la créativité. »