Salome Jishkariani et Luthor, nos coups de cœur de cette semaine, emploient le 8e art pour sonder le monde qui les environne. Si la première s’accroche à des thèmes tels que la fertilité et le vieillissement féminin, le second s’attache davantage à proposer des formes nouvelles et à repenser les contextes d’exposition de l’œuvre photographique.
Salome Jishkariani
Enfant, Salome Jishkariani a été marquée par la répétition propre aux albums de famille. Au fil des pages, les poses se rejouent, les mêmes arrière-plans reviennent. La dimension culturelle et sociale de cette récurrence l’intrigue et infuse aujourd’hui sa pratique artistique. « Au départ, mon intention était simple : étudier l’essence de mon être sous une forme tangible. Cependant, au fur et à mesure que j’avançais dans cette exploration, j’ai découvert des thèmes qui méritaient d’être approfondis. Le projet étant envisagé comme un livre de photos, j’ai commencé à expérimenter la création de diptyques, en associant intuitivement deux tirages qui se complètent l’un l’autre », explique-t-elle. S’attardant tout d’abord sur sa féminité, la photographe géorgienne s’est livrée à une réflexion sur la fertilité, le vieillissement et la sensualité par le biais de « fragments prélevés de manière chirurgicale ». Cet autoportrait se présente alors sous la forme d’une mosaïque qui peut sembler paradoxale en certains aspects. « Cette approche peut être considérée comme une appropriation des regards, remettant en cause l’objectivation traditionnelle du corps des femmes. Mais se concentrer uniquement sur des parties isolées peut également être perçu comme une perpétuation de ces mêmes regards. Ici, il s’agit en quelque sorte de tisser un dialogue au sein de cette dichotomie », affirme-t-elle.
Luthor
Photographe suisse, Luthor, de son vrai nom Romain Farine, se définit comme « atypique ». Plus jeune, il pratiquait le beatbox avec un groupe de musique ; lorsque celui-ci s’est séparé, la photographie s’est imposée à lui comme un nouvel outil d’exploration, qu’il apprend alors en autodidacte. Désormais, Luthor tente de « faire avancer les choses », en proposant de nouvelles approches de la photographie de rue, du portrait, du paysage et de concert. Sa grande liberté l’amène, parfois, à accrocher ses images dans les rues de certaines villes en Suisse, permettant à chacun et chacune d’avoir accès à son œuvre et questionnant de cette manière la place de l’art dans les institutions. Sans s’attacher à un thème en particulier, il se laisse guider par ses intuitions, et joue avec les formes et les couleurs au gré de celles-ci.