Les coups de cœur #514 : Luuk van Raamsdonk et Chochana Rosso 

Les coups de cœur #514 : Luuk van Raamsdonk et Chochana Rosso 
© Luuk van Raamsdonk. My Sweet Elora
© Luuk van Raamsdonk. My Sweet Elora

Luuk van Raamsdonk et Chochana Rosso, nos coups de cœur de la semaine, embarquent sur le chemin de l’abandon, de l’absence et des relations humaines. Dans des approches oniriques en noir et blanc, les deux artistes s’immergent dans une introspection profonde afin de comprendre leurs émotions et de leur faire face.

Luuk van Raamsdonk

« La vie est souvent plus étrange que la fiction », avance Luuk van Raamsdonk. Le jeune photographe récemment diplômé d’une licence de photographie plonge dans les méandres des secrets familiaux, avec un objectif : résoudre les mystères qui infusent autour de lui. Histoire de famille, identité, traumatisme et introspection sont au cœur de sa pratique artistique. « J’ai tendance à privilégier la curiosité. Une grande partie de mon approche est axée sur la recherche et plus particulièrement sur les documents historiques ou d’archives. Cela devient généralement une sorte d’obsession, car j’essaie de comprendre ce qui se trouve devant moi », confesse-t-il. Sa série My Sweet Elora est un voyage personnel au sein du contexte familial fracturé de l’artiste. « À l’automne 1970, mon grand-père a disparu. Personne ne savait pourquoi il était parti ni où, raconte Luuk van Raamsdonk. Trois mois plus tard, il est revenu sans donner d’explication à son absence. » Cinquante-trois ans après, le père du photographe a une affaire extra-conjugale. Ces schémas comportementaux des hommes de sa famille questionnent le jeune homme. Les archives dans lesquelles il fouille le conduisent à Elora, un petit village à 115 kilomètres de Toronto au Canada. Le secret de son grand-père se révèle peu à peu dans les interstices de cette ville. « Là, mon grand-père a eu une liaison avec une jeune femme inconnue pendant que ma grand-mère, qui était enceinte de mon père à l’époque, attendait son retour. C’est là que tout a commencé. Voyant mon reflet dans les erreurs de mon père et de mon grand-père, j’ai décidé de ne pas laisser l’histoire se répéter », explique l’artiste. Il se rend ainsi plusieurs fois à Elora durant une année où la photographie en noir et blanc lui permet de confronter, de disséquer les dynamiques compliquées de la nature de sa famille. Telle une étude comportementale, un dialogue entre le passé et le présent se dessine, révélant les fissures et servant de catalyseur pour confronter ses propres défauts et faiblesses.

© Luuk van Raamsdonk. My Sweet Elora
© Luuk van Raamsdonk. My Sweet Elora
© Luuk van Raamsdonk. My Sweet Elora
© Luuk van Raamsdonk. My Sweet Elora
© Chochana Rosso. The Sun Burns

Chochana Rosso 

L’exploration de l’absence et de la distance constitue le fil rouge du travail de Chochana Rosso. La photographe française, d’origine guadeloupéenne et basée à Berlin, réfléchit à ses thématiques « à travers des prises de vue obsessionnelles et compulsives » raconte-t-elle. Grandissant dans une famille où la photographie prend beaucoup de place, elle s’approprie le médium et l’expérimente à travers les techniques de solarisation et d’émulsion de papier japonais. Lorsqu’elle perd sa grand-mère en 2022, elle entame un travail sur les notions de deuil et de perte matérielle. « Nous avons vendu la maison qu’elle occupait, confesse l’artiste. J’avais ce besoin de photographier cette demeure qui se meurt, qui se vide graduellement de nos souvenirs communs. » Ces liens aux autres, l’amour et l’intimité continuent d’infuser son œuvre. « Dans la série The Sun Burns, je saisis l’obsession pour une autre personne, à la fois présente et absente par la distance qui nous sépare », explique Chochana Rosso. Il s’agit en réalité du journal visuel de sa rencontre avec Alexander en 2019. Frappée par ce qu’elle appelle « un coup de foudre photographique », elle fait de lui une inspiration quotidienne. « Je raconte l’histoire d’une relation instable qui nourrit le fantasme d’un désir presque mystique, révèle-t-elle. Ce sont les phases du soleil qui structurent le récit. L’aurore parle de la rencontre et la naissance du désir, le zénith représente l’aveuglement et la brûlure, puis le crépuscule annonce le contentement des sentiments. » Au fur et à mesure que la lumière se dessine sur ses images, sa relation amicale avec le garçon se solidifie autant dans son absence marquée par des vides que dans sa présence où son visage se dévoile. 

© Chochana Rosso. The Sun Burns
© Chochana Rosso. The Sun Burns
© Chochana Rosso. The Sun Burns
© Chochana Rosso. The Sun Burns
© Chochana Rosso. The Sun Burns
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