Photographe et sociologue, Irène Jonas n’a jamais renoncé à aucune de ses deux pratiques. Sans que l’une ne prenne le dessus sur l’autre, elle a créé un langage visuel inédit. La Galerie La Ralentie présente Insomnies du 20 septembre au 19 octobre, exposition personnelle de la photographe.
La photographie d’Irène Jonas est le fruit d’une rencontre fructueuse : celle entre la photographe et la sociologue, entre l’image et l’écriture, qui ont toujours été présentes dans sa vie. Toutefois, son habileté a été de s’affranchir de l’écriture sociologique et du reportage photographique, afin d’élaborer une forme d’expression personnelle. Depuis une quinzaine d’années, elle tourne son intérêt vers la photographie plasticienne, lui permettant d’ajouter des matériaux externes à même la surface des tirages. L’image se densifie sous les coups de peinture et l’’impossibilité à dormir, sujet de sa dernière série présentée à La Ralentie, prend corps. Dans Insomnie, les objets photographiés nous renvoient avec force à nos propres nuits agitées en produisant un effet miroir. Nous pourrions parler d’une photographie « sensorielle », jouant avec l’inconscient et faisant ressurgir des souvenirs enfouis. Comme le souligne Isabelle Floch, de La Ralentie, ces photographies, travaillées à l’huile, « transfigurent la réalité, devenant de véritables tableaux. »
Entre sensations et mémoires anciennes
Ces images, sont-elles sur le point de s’obscurcir totalement ou bien de devenir nettes ? Dans la série Insomnies, le doute demeure. L’esprit voyage entre les sensations et les mémoires anciennes, en faisant ressortir des expériences de tous les jours comme des créatures monstrueuses. En effet, l’insomnie est peuplée d’êtres inquiétants ou amis hybrides entre la réalité et l’inconscient. L’œuvre de Jonas nous unit autour d’un implicite commun : celui du cauchemar et de l’inexplicable à l’intérieur de nous. Nous pouvons tous·tes nous y retrouver. De ces visions, naissent des énigmes qui peuvent nous pourchasser une journée durant. L’artiste parvient à donner aux images un nouveau pouvoir « lorsqu’elle les transfigure par la reprise des noirs ou la mise en couleur par la peinture à l’huile, écrit Christine Ollier, commissaire et historienne de l’art. Ce monde que l’artiste donne à voir n’est plus alors ni tout à fait réel ni, non plus, repérable dans le temps. […] Les prises de vue s’écartent des normes classiques de captation : le mouvement, les volumes et les plans s’affirment, le désir de composition intensifie les cadrages resserrés et le marquage des différents plans. » Seules les années passées, en tant que sociologue, à observer vraiment les autres, ont pu permettre à l’artiste d’atteindre une telle justesse dans l’évocation de l’intime.