Pour la première fois en France, la Maison européenne de la photographie accueille Something Happened, une exposition de l’artiste autrichienne Tatjana Danneberg. En mêlant peinture et photographie, elle donne vie à des images aux allures de souvenirs effacés par le temps. Jusqu’au 29 septembre.
Déployées du sol jusqu’au plafond, les photographies de Tatjana Danneberg évoquent des affiches lacérées, des bribes de souvenirs presqu’effacés par le temps. Superposées à des aplats de couleur, les images suscitent un sentiment d’aliénation et offrent une double possibilité de lecture. D’une part, l’observation minutieuse et prolongée des choses qui nous entourent, de l’autre, la curiosité passagère provoquée par des images publicitaires qui s’imposent à notre regard malgré nous. Avec Something Happened, à voir jusqu’au 29 septembre, le Studio de la MEP inaugure la première exposition de l’artiste autrichienne en France. Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions et provoque un vif intérêt, tant la rencontre entre photographie et peinture y paraît naturelle. Par un procédé complexe, Danneberg parvient à mêler indissolublement les deux pratiques en interrogeant ainsi le rôle de l’image et l’importance que nous lui attribuons. Par-dessus tout, sa démarche est une enquête sur le souvenir en images : l’intime est mis à distance et se mue en un souvenir occasionnel.
Une hybridation de techniques et de matières
Comment déjouer les codes pour établir un dialogue entre peinture et photographie ? Est-il possible, en mêlant les deux arts, d’aboutir à un résultat expressif, qui ne tombe pas dans le kitsch ? Quel est notre rapport au souvenir visuel ? Autant de questions que le travail de Tatjana Danneberg soulève à travers un processus complexe. Au cœur de la démarche il y a l’expérimentation de matières et de procédés de transfert des images sur la toile. C’est ainsi que l’artiste transforme ses photographies analogiques prises sur le vif en des peintures riches d’émotions. Son outil de prédilection est l’appareil photo bon marché, qui lui permettent d’immortaliser des sujets du quotidien, tels que des proches, des connaissances, des objets communs dans des prises de vue familières et souvent intimes. « Les images sont d’abord agrandies et imprimées au jet d’encre sur des feuilles de film plastique, explique la MEP. Elles sont ensuite peintes au gesso, laissées à sécher et mouillées à nouveau dans l’eau pour être finalement séparées de la feuille et transférées sur la toile. Le résultat final est connu une fois que la feuille est ôtée de la toile. » Les images ainsi obtenues sont des fragments d’objets, des scènes statiques, des actions à l’apparence banales, qui deviennent soudainement des gestes picturaux puissants. L’artiste marque ensuite ces nouveaux objets de son coup de pinceau, en suivant les formes et les mouvements capturés par l’objectif. Des nouvelles perspectives s’offrent à nous grâce à cette hybridation de techniques et de matières.