L’exposition Nouvelles Reines face à la houle de l’extrême droite

14 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
L’exposition Nouvelles Reines face à la houle de l’extrême droite
Nouvelles Reines © Sandra Reinflet
Femme de profil. Sur son corps est projeté un vitrail de la Basilique Saint-Denis.
Nouvelles Reines © Sandra Reinflet
Femme de biais. Sur son corps est projeté un vitrail de la Basilique Saint-Denis.
Nouvelles Reines © Sandra Reinflet

Depuis quelques jours, l’exposition Nouvelles Reines de la photographe Sandra Reinflet, installée depuis le 19 septembre 2024 – et en cours jusqu’au 27 avril 2025 – dans la basilique Saint-Denis, est victime de commentaires haineux de la part de membres et collectifs d’extrême droite. Pour cause, parmi ces reines trônent des femmes voilées.

Un dialogue entre des reines de France d’antan, enterrées à la basilique Saint-Denis, et des femmes d’aujourd’hui, habitantes de la Seine-Saint-Denis, précaires, mais puissantes dans leur habileté à surmonter les obstacles, s’opère au sein de l’édifice religieux. Dans Nouvelles Reines, une exposition réalisée en collaboration avec le diocèse de Saint-Denis et le Centre des monuments nationaux, l’artiste Sandra Reinflet, lauréate prix Roger Pic de la Scam et de la Grande commande photographique initiée par le ministère de la Culture et la Bibliothèque nationale de France en 2022, rend hommage à ces reines du 93. Elles ont entre 19 et 85 ans, des origines variées, certaines vivent avec le VIH, d’autres apprennent à écrire, d’autres ont été victimes de violence, mais chacune, « par [sa] résilience, retrouve la souveraineté sur [sa] propre vie fragilisée », est-il noté dans le communiqué de presse du diocèse. Sandra Reinflet, qui par ailleurs est dionysienne, a pensé ce travail par le prisme de la Basilique. Photographiant les vitraux du lieu qui figurent les 32 reines de France inhumée en son sol, puis les projetant sur les habitantes de Saint-Denis et d’Aubervilliers, l’artiste tisse un lien puissant entre les femmes, peu importe leur religion ou même leur époque. Ainsi, parmi ces « Nouvelles Reines », se trouvent trois femmes portant le hijab. Elles auraient pu être d’autres confessions, « et une trentaine sont torse nu », indique la photographe

Attaques verbales et physiques

Alors que l’exposition, validée par le clergé, cherche à « rendre hommage à des femmes d’aujourd’hui, présentes sur le territoire dionysien, à travers des jeux de lumière, si caractéristiques de cette Basilique surnommée “Lucerna”, la lanterne de lumière », selon le communiqué de presse du diocèse, elle est depuis quelques jours l’objet d’attaques haineuses – verbales et physiques – de membres de l’extrême droite. D’abord sur les réseaux sociaux, le collectif féminationaliste Némésis, ayant un discours anti-immigration virulent, a publié une vidéo sur Instagram critiquant l’installation des photographies où le hijab est visible. Ce mardi, c’est le collectif d’ultradroite Natifs qui agit au sein même de l’édifice, en cachant les trois images par les visages de Jeanne d’Arc, sainte Geneviève et Geneviève de Galard. La mairie juge cette action « contre le multiculturalisme et le vivre-ensemble ». Les Filles de la Photo (collectif qui réunit des professionnelles de la photographie) et l’association Réseau Lux (réseau national de festivals et foires photographiques) ont conjointement fait savoir leur indignation dans un communiqué de presse publié le 8 mars, lors de la journée internationale des droits des femmes, et apportent leur soutien à Sandra Reinflet, qui a choisi de porter plainte contre ces attaques. « Je suis si désolée pour les femmes photographiées qui sont, comme souvent, réduites à ce qu’elles portent, déplore l’autrice. Ces personnes veulent juste les faire disparaître, alors qu’elles sont déjà invisibilisées. Il n’a jamais été question de leur confession, mais de leur trajectoire de vie, et je les ai photographiées comme elles étaient (ou voulaient être). C’est terrible, on en est à être attaquée pour les personnes qu’on photographie. » L’exposition est un témoin juste de la population de la Seine-Saint-Denis. Elle représente sa diversité et son parcours multiple, la robustesse de ces femmes, et transcende les différences, pour les unir dans le temps.

Femmes de profil. Sur son corps est projeté un vitrail de la Basilique Saint-Denis.
Nouvelles Reines © Sandra Reinflet
À lire aussi
Les femmes s’exposent : les lauréates 2024 se dévoilent
© Fiora Garenzi
Les femmes s’exposent : les lauréates 2024 se dévoilent
Les lauréates de la bourse de création émergente et des prix Saif et Fuji initiés par Les femmes s’exposent ont été récompensées durant…
10 juin 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Les mises en scène engagées de Fatimazohra Serri
Red flags © Fatimazohra Serri
Les mises en scène engagées de Fatimazohra Serri
Âgée de 28 ans, la photographe marocaine Fatimazohra Serri utilise le médium comme un exutoire. De nature controversée, ses clichés…
27 septembre 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Dans l’œil de Flora Nguyen : racisme et misogynie dans les cartes postales coloniales
© Flora Nguyen
Dans l’œil de Flora Nguyen : racisme et misogynie dans les cartes postales coloniales
Cette semaine, plongée dans l’œil de Flora Nguyen. À travers sa pratique pluridisciplinaire, l’artiste d’origine vietnamienne…
28 août 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Le jury du grand prix Images Vevey 2025-2026 révèle ses lauréat·es
Rotting from Within, Untitled, 2014-2024 © Abdulhamid Kircher
Le jury du grand prix Images Vevey 2025-2026 révèle ses lauréat·es
Ce mardi 8 juillet, à l’hôtel du Forum à Arles, le jury d’Images Vevey a officiellement annoncé ses lauréat·es : ainsi Abdulhamid Kircher...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
À Arles, Lila Neutre déploie une piste de danse et de résistance
Edwin Xtravaganza (Latex Ball n°1), série Sculpter le soi – The Rest is Drag, 2015. © Lila Neutre. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
À Arles, Lila Neutre déploie une piste de danse et de résistance
Pour les Rencontres d’Arles, jusqu’au 5 octobre 2025, Lila Neutre installe une piste de danse visuelle à la Maison des peintres, portant...
08 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 30 juin 2025 : sur les cimaises
Lesbians Unite, Revolutionary Women’s Conference, Limerick, Pennsylvanie, octobre 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Les images de la semaine du 30 juin 2025 : sur les cimaises
Cette semaine, dans les pages de Fisheye, les images s’accrochent sur les cimaises de divers espaces d’expositions à Paris et ailleurs...
06 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Arles 2025 : à la Galerie Triangle, la jeunesse a le dernier mot
© Nicolas Serve
Arles 2025 : à la Galerie Triangle, la jeunesse a le dernier mot
À l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles 2025, la Galerie Triangle revient avec GÉNÉRATION, un événement dense et...
05 juillet 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Le jury du grand prix Images Vevey 2025-2026 révèle ses lauréat·es
Rotting from Within, Untitled, 2014-2024 © Abdulhamid Kircher
Le jury du grand prix Images Vevey 2025-2026 révèle ses lauréat·es
Ce mardi 8 juillet, à l’hôtel du Forum à Arles, le jury d’Images Vevey a officiellement annoncé ses lauréat·es : ainsi Abdulhamid Kircher...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Lucie Donzelot
À Arles, Lila Neutre déploie une piste de danse et de résistance
Edwin Xtravaganza (Latex Ball n°1), série Sculpter le soi – The Rest is Drag, 2015. © Lila Neutre. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
À Arles, Lila Neutre déploie une piste de danse et de résistance
Pour les Rencontres d’Arles, jusqu’au 5 octobre 2025, Lila Neutre installe une piste de danse visuelle à la Maison des peintres, portant...
08 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #514 : images indociles
© séquoia photos / Instagram
La sélection Instagram #514 : images indociles
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine incarnent, chacun·e à leur manière, le thème de la 56e édition des célèbres...
08 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Yves Saint Laurent : une histoire en miroir de la photographie et la mode
Polaroïd pris par le personnel de la maison de couture, cabines du 5, avenue Marceau, Paris. Robe de mariée portée par Laetitia Casta, collection haute couture printemps-été 2000, janvier 2000. © Yves Saint Laurent © Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent
Yves Saint Laurent : une histoire en miroir de la photographie et la mode
Cet été, parmi les accrochages à retrouver aux Rencontres d’Arles se compte Yves Saint Laurent et la photographie, visible à la Mécanique...
07 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet