Marco Dos Santos fait feu de tout bois

Marco Dos Santos fait feu de tout bois
© Marco Dos Santos
Le réalisateur David Lynch porte des lunettes de soleil et est tourné face à l'objectif
David Lynch © Marco Dos Santos
© Marco Dos Santos

Mais peut-il seulement tenir en place ? Depuis plus de vingt ans, Marco Dos Santos trace une trajectoire indocile à travers les scènes musicales et artistiques, avec sa vitalité, son étrangeté et sa nostalgie.

Il a longtemps refusé de choisir. Marco Dos Santos commence comme assistant photo, donne des cours de labo dans une MJC, puis bifurque vers la presse musicale au début des années 2000. Chez IXO Publishing (Trax, Groove, Rolling Stone France…), il photographie tour à tour Slayer, Snoop Dogg, Beyoncé ou David Lynch, avec un sens de la surprise et de l’étonnement. Et en garde des anecdotes aussi drôles que sidérantes : « J’ai attendu quinze heures, avec deux journalistes, pour enfin rentrer dans le mobile home de Snoop Dogg… Il était là, tout seul, avec une femme qui lui faisait les tresses, et je l’ai shooté pendant qu’il regardait un match de football américain. » Cette période lui ouvre un accès rare à une époque bouillonnante, dont il capture l’excès, l’intensité, les visages, d’un bout à l’autre de la planète, sans jamais se fixer. C’est aussi cette époque qui donne naissance à certains de ses clichés les plus puissants, comme celui de DJ Mehdi, disparu en 2011, aux Buttes-Chaumont. Une image simple, presque anodine, qui prend aujourd’hui une dimension presque sacrée : « La nostalgie est devenue palpable, presque impudique », confie-t-il.

Aujourd’hui, Marco Dos Santos n’a rien perdu de cette urgence, ni de cette sensibilité électrique. Il poursuit son chemin à travers labels indé et figures de l’underground, toujours en recherche d’un langage nouveau. Il compose des clips à l’esthétique chaotique – comme Encore encore pour UssaR, tourné entièrement à l’envers –, projette de transformer son appartement en studio photo-vidéo, travaille pour InFiné, HMS, Kwaidan Records et joue avec l’intelligence artificielle, qui agit dans ses œuvres comme un miroir déformant. Deepfakes subversifs, doubles fictifs, mises en scène grinçantes – Macron en masseur personnel de Donald Trump, Elon Musk écrasé par une Tesla… – : dans tout ce travail de sape et de fiction, il voit une possibilité à la fois plastique, politique et intime. « Je crée des espaces à l’intérieur d’un espace. L’IA est un monde infini, qui entraîne un vrai débat autour de l’identité et de la représentation », explique-t-il.

Ce qui dégénère

Chez lui, l’image déborde, dégouline, fait feu de tout ce qui traîne. S’il ne se fixe jamais, c’est en partie, s’insurge-t-il, parce que « les réappropriations sont devenues monnaie courante, envahissent les réseaux sociaux et phagocytent les vrais petits génies qui ne vivent souvent pas assez de leurs créations ». Pour autant, aujourd’hui, il s’agit pour lui de s’installer dans une patte, de devenir, enfin, plus reconnaissable : « Parce que sinon, on ne te comprend pas », explique-t-il. Son carburant ? « Le funk et le disco sont mes partenaires dopaminergiques depuis l’enfance, je ne peux pas passer à côté sinon je sombre », nous confie-t-il. Ses images sont une fête un peu folle, « une harmonie collective, synchrone ou asynchrone, dans laquelle nous sommes les plus vrai·es possibles, dans le pire comme dans le meilleur ». Marco Dos Santos aime ce qui dégénère : les images visqueuses, les vidéos où tout va trop vite, les atmosphères de fête tropicale et de bizarrerie partagée. « Il faut un peu d’espoir, d’humour, de vie dans la mort, de légèreté dans ce qui est lourd… », détaille-t-il en guise de conclusion. Lui ne choisit pas entre excès et grâce : il les fait cohabiter.

portrait d'un homme et d'une femme en noir et blanc
UTO © Marco Dos Santos
© Marco Dos Santos, « Lipsus Macerare Meltus »
DJ Mehdi © Marco Dos Santos
© Marco Dos Santos
la chanteuse Peaches pose en maillot de bain sur un canapé rouge
Peaches © Marco Dos Santos
Image d'un buffet avec un grand gâteau d'anniversaire, qu'un doigt d'un convive vient transpercer
© Marco Dos Santos
la réalisatrice Sofia Coppola pose adossée contre un mur
Sofia Coppola © Marco Dos Santos
le chanteur Snoop Dog pose assis dans un fauteuil
Snoop Dog © Marco Dos Santos
Ed Banger © Marco Dos Santos
la chanteuse Beyoncé pose dans une photo en noir et blanc
Beyoncé © Marco Dos Santos
Deux personnes d'allure féminine sont allongées sur la plage et semblent se prendre dans leur bras
© Marco Dos Santos
À lire aussi
Frédéric D. Oberland : la victoire de l'invisible
© Frédéric D. Oberland
Frédéric D. Oberland : la victoire de l’invisible
À la fois compositeur multi-instrumentiste et artiste visuel, Frédéric D. Oberland raconte des histoires de tourmente et de…
05 octobre 2024   •  
Écrit par Milena III
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote…
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Explorez
Sarah Moon, expérimentations et ville engloutie : dans la photothèque de Sophie Alyz
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ? © Sophie Alyz
Sarah Moon, expérimentations et ville engloutie : dans la photothèque de Sophie Alyz
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
13 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l'œil de Jonathan Chandi : un clip dans un monde parallèle
© Jonathan Chandi
Dans l’œil de Jonathan Chandi : un clip dans un monde parallèle
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Jonathan Chandi, photographe autodidacte belge. L’artiste réinterprète avec une grande délicatesse et...
11 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 4 août 2025 : revoir le monde
Metropolis III, 1987 © Beatrice Helg
Les images de la semaine du 4 août 2025 : revoir le monde
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye nous invitent à porter un autre regard sur le monde selon des...
10 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Béatrice Helg : la musique du silence
Éclats IV, 2013 © Beatrice Helg
Béatrice Helg : la musique du silence
Au musée Réattu d’Arles, dans la fraîcheur d’une ancienne commanderie de chevaliers, le silence devient matière. Jusqu’au 5 octobre 2025...
05 août 2025   •  
Écrit par Benoît Baume
Nos derniers articles
Voir tous les articles
On Country :  entendre la terre
© TonyAlbert&David Charles Collins Brittany Malbunka Reid, Warakurna Superheroes #6 2017 Superheroes 2017. Courtesy and Sullivan + Strumpf.
On Country : entendre la terre
À Arles, On Country explore le lien vital entre terre, mémoire et futur. Cette plongée sensible dans la photographie australienne...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Fabiola Ferrero : des abeilles et des hommes
I Can’t Hear the Birds © Fabiola Ferrero
Fabiola Ferrero : des abeilles et des hommes
La photographe et journaliste Fabiola Ferrero retourne au Venezuela et ravive la mémoire collective de son pays qui entre 2014 et 2020 a...
14 août 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Sarah Moon, expérimentations et ville engloutie : dans la photothèque de Sophie Alyz
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ? © Sophie Alyz
Sarah Moon, expérimentations et ville engloutie : dans la photothèque de Sophie Alyz
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
13 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Du silence aux images : le mentorat des Filles de la photo
© Claire Delfino
Du silence aux images : le mentorat des Filles de la photo
Quand la photographie devient le lieu d’un tissage mémoriel, politique et sensible, le mentorat des Filles de la Photo affirme toute sa...
12 août 2025   •  
Écrit par Costanza Spina