Dans l’œil de Marilia Destot : mémoire entre ciel et mer

À l'instant   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de Marilia Destot : mémoire entre ciel et mer
© Marilia Destot / Planches Contact Festival
MariliaDestot
Artiste
« En déchirant le tirage, en faisant disparaître en partie l’image originale, je prends le risque de sa renaissance, assemblée avec une autre. »

Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Marilia Destot. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste expose ses Memoryscapes à Planches Contact Festival. Pour Fisheye, elle revient sur l’un de ses collages de paysage réalisés lors de sa période de résidence en Normandie.

Le 4 janvier prochain, la 16e édition de Planches Contact Festival s’achèvera à Deauville. Si, comme à l’accoutumée, l’événement offre une diversité de regards sur le territoire normand, il s’articule désormais autour d’une même thématique. Cette année, il s’agit de l’intimité. Ce sujet traverse justement les Memoryscapes de Marilia Destot, que nous vous avons déjà présentés en janvier 2025. Composée de collages aux lignes épurées, cette série au long cours juxtapose différentes images afin de reconstituer des paysages sans repères qui évoquent la mémoire. Dans les nouvelles pièces qu’elle a réalisées en résidence, la lauréate de la bourse photo4food nous immerge dans un monde abstrait dans lequel le ciel et la mer se confondent dans des nuances de bleu profond. 

La fragile et éphémère nature des choses

« Nous sommes dans “Nuit Indigo”, en Normandie, en 2025… Nous sommes dans un de mes Memoryscapes, collages photographiques de temps, de lieux, de mémoires fragmentés, d’images déchirées, superposées, assemblées.

À l’origine de cette série, l’envie de continuer ma pratique d’altération du tirage et de recycler mes photographies de voyage orphelines. Retrouver une création d’atelier ludique et spontanée, une expérimentation manuelle, picturale et sensorielle du tirage. Sculpter l’image, selon les motifs, la palette de couleurs, la fibre du papier, le mouvement des déchirures, le dessin des cicatrices. Donner vie à des paysages hybrides, mi-réel mi-rêve, sans géographie ni temporalité précises. Voyager dans ma mémoire photographique.

Cette année, je prolongeais ce travail en résidence en Normandie, dans le cadre du Planches Contact Festival. S’imposait alors à moi une unité de temps, d’espace. À nouveau m’imprégner, collecter, brasser, fragmenter, déchirer, assembler, réinventer une mémoire du paysage, intime et intemporelle. En déchirant le tirage, en faisant disparaître en partie l’image originale, je prends le risque de sa renaissance, assemblée avec une autre. Un dialogue se crée. Sérénité et chaos, harmonie et rupture, trésor et perte, tout célèbre la fragile et éphémère nature des choses.

Dans “Nuit indigo”, j’ai combiné quatre images, deux de mer, deux de ciel, chacune évoquant une trace du temps qui passe, à une heure floue que j’aime particulièrement, entre la fin du jour et le début de la nuit. La mer en vibrato, le ciel qui s’assombrit, les oiseaux qui commencent leur vol nocturne : strates déchirées, inversées, entrelacées. Il y a aussi ce qui m’a nourrie pendant ma résidence, les strates invisibles et nécessaires : mes longues marches, mes écoutes, mes lectures, mes rencontres, mes insomnies, mes fêlures. Les essais ratés, jetés, recommencés, éparpillés au mur, au sol, dans mon lit.

Comment est né précisément ce collage ? Je ne sais plus vraiment… le hasard, la chance, l’intuition… Une histoire de sens, de sons, d’échos intimes. Sa mémoire se dilue avec le reste et ce qui compte le plus pour moi aujourd’hui est ce qu’il suscite, ce qu’il vous évoque et où il vous emmène. »

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