Le photographe français Maxime Michelet nous entraîne dans l’intimité des relations entre frères et sœurs. De la complicité joyeuse aux conflits silencieux, il immortalise la complexité de ces liens avec un mélange d’humour, de vérité sociologique et de réalisme narratif.
« Une image qui amuse et qui dérange en même temps ». C’est cela une bonne photo selon Maxime Michelet. Alors pour tendre vers cet idéal, le photographe français construit ses images selon une méthode de « bricolage », autrement dit avec « des modèles amateurices, des objets trouvés ou empruntés, des lieux aux contextes lumineux ou météorologiques imposés ». C’est à l’adolescence que la magie pour le 8e art s’est opérée. « Je réalisais des mises en scène humoristiques avec mon meilleur ami Sacha. On faisait des romans-photos, on inventait des couvertures de magazine. On riait beaucoup en faisant les images ainsi qu’en les retouchant, et en les nommant », se souvient-il. Depuis, il assume un genre photographique hybride : un pied dans la mise en scène, un autre dans le documentaire. « Les sujets que je donne à voir portent tous une part de vérité sociologique, un réalisme narratif », ajoute celui qui a choisi de photographier des frères et sœurs. « Comment définiriez-vous les relations vous unissant ? » C’est ainsi que démarraient les shootings de Maxime Michelet. Face à son objectif, ses ami·es, puis les ami·es d’ami·es et ensuite celles et ceux de leurs frères et sœurs. « Je me suis retrouvé au centre d’un réseau de frères et sœurs. J’ai eu l’impression d’être le frère de toutes les personnes qui ont participé à ce projet », confie-t-il.
Immortaliser la course folle du temps
Parmi elles, on retrouve Virgile, Attila et Darius. Trois frères particulièrement complices. « Le rituel du bain, qu’enfant on nous fait prendre à plusieurs, était pertinent pour retranscrire le chahut que ces trois frères, proches en âge, savent causer ensemble depuis petits ». On retrouve aussi une complicité forte devant le portrait de Rémi et Lucie. « Iels se sont construit·e·s ensemble, notamment en opposition à certaines figures adultes les entourant. Iels partagent un sixième sens, sont capables de se comprendre sans même se regarder – en particulier lors d’un repas ». Et puis, il y a celles et ceux qui se retrouvent malgré la différence, comme Adèle et Adrien. « L’un est installé à Paris, l’autre en Normandie. Cette différence de modèle de vie peut induire des enjeux de domination au sein de la fratrie et dans la famille, tel que le suggère leur pose, mais ces liens de pouvoir sont facilement inversables, voire renversants, comme une piscine gonflable », commente le photographe.
Maxime Michelet s’est lui-même pris au jeu, et a interrogé le lien à sa sœur. Pour ce faire, il nous emporte au beau milieu d’un lac gelé, Marine et lui sont entouré·es de bouteilles de sang. « Celui qui nous unit. Quant aux bouteilles de Cristaline, elles évoquent notre milieu social et familial ». Si sa première intention est de rendre compte de la nature des liens unissant les frères et sœurs, Maxime Michelet constitue avec ce projet une archive familiale, immortalise la course folle du temps ou encore s’essaye (consciemment ou non) à la psychanalyse. Un travail qui renvoie au chef-d’œuvre de Nicholas Nixon, qui depuis 1975, photographie les sœurs Brown. Si la temporalité et l’écriture diffèrent, le soin apporté aux liens avec les modèles se situe dans le même spectre… Cet espace où la fidélité et la la tendresse l’emporte sur la rivalité…
Sa série Mes sœurs et mes frères sera exposée à la galerie de la Fontaine Obscure à Arles (21 rue de la Liberté), du 17 au 30 juillet 2023. Elle sera par ailleurs exposée en Août au Chili lors du festival FotoArica, et en Octobre en Espagne lors du festival ArtPhotoBCN.