Jusqu’au 25 juin, le festival gratuit Mesnographies s’installe dans le grand parc de Les Mesnuls. Et à l’occasion des derniers jours de l’événement gratuit, sa fondatrice Claire Pathé revient sur la genèse et la programmation du festival qui fête cette année sa 3e édition. Quatre jours pour découvrir des passionnants travaux photos autour de la maternité, du genre, et de l’écologie… Entretien.
Fisheye : Photographe, membre du collectif Fetart… Peux-tu revenir sur ton parcours professionnel et ce qui t’a poussé à monter ton propre évènement ?
Claire Pathé : Photographe de mode depuis mes 22 ans, j’ai eu la chance de travailler pour des magazines comme ELLE, l’Officiel ou encore Grazia et d’autres titres internationaux. Puis j’ai eu quatre enfants, et j’ai donc dû ralentir ma carrière. C’est à ce moment-là que je suis devenue commissaire d’exposition, il y a neuf ans en intégrant le collectif Fetart sous la direction de Marion Hislen. Je suis aujourd’hui pleinement membre de la direction artistique du collectif, notamment en charge du Festival Circulation(s). Je continue la photo de façon plus occasionnelle, notamment à l’occasion des studios photo du Festival Circulations et de ceux des Mesnographies.
En m’installant dans le village des Mesnuls, il y a trois ans, et en découvrant son grand parc, je me suis dit que c’était le lieu idéal pour y créer un festival de photographie en plein air, gratuit, et qui serait ouvert à tous·tes. Un moyen de faire venir la photo dans un département où on n’en trouvait pas.
Quel a été le déclic, la genèse d’un tel projet ? Quelle était ton ambition d’alors ?
Le déclic a été le Covid. Quand nous étions bloqué·es dans nos villages, autorisé·e·s à ne parcourir qu’un kilomètre. Nous avons été coupé·es de tout accès à la culture de façon assez abrupte et je me suis dit que ça n’était pas possible. On devrait pouvoir avoir accès à des expositions de façon plus simple. Quarante minutes ou une heure de voiture pour aller jusqu’au centre de Paris voir une exposition photo, c’est trop !
Mon ambition est de présenter une photographie – à laquelle je tiens, et qui me passionne – au plus grand nombre, à des personnes et à un environnement qui n’y est pas habitué. C’est pour ça que je vais à la rencontre des lycéens, et bientôt, des collégiens pour leur donner goût à la photo, et à ce moyen d’expression qui, selon moi, est extrêmement important et reste encore assez libre. Mesnographies est aussi une occasion de monter et promouvoir les artistes.
Comment décrirais-tu le festival à quelqu’un qui n’a jamais entendu ce mot, Mesnographies ?
Les Mesnographies, c’est un grand parc rempli d’images, qui proviennent de photographes du monde entier et qui partagent avec nous leurs ressentis, leur intimité, leurs revendications, leurs observations sur des sujets qui leur tiennent à cœur et qui sont partie prenante de leur travail. Tout un panel de regards le temps d’une balade qui nous donne à réfléchir, tout en nourrissant nos yeux.
Quel est le modèle économique du festival ?
Le Festival est hébergé par l’association « La Photographie qui… » et est principalement subventionné par l’État. Nous sommes à la recherche de mécénats. Nous avons une équipe de 34 bénévoles qui nous aide à plusieurs niveaux, depuis les prémices du festival jusqu’au temps d’exposition. La direction artistique est elle aussi assurée de façon bénévole. Les subventions nous permettent de rémunérer nos photographes, notre graphiste, et évidemment de produire tous les tirages ainsi que les structures nécessaires et toutes personnes intervenantes de façon extérieure à l’association.
Comment s’est opéré ce travail en trio, avec Consuelo Choza et Maud Guillot ?
Je m’occupe de la prospection des artistes, avec l’aide de Consuelo, ensuite nous proposons à Maud, graphiste, de choisir ensemble une sélection assez large (environ 30 artistes) puis nous présentons cette sélection à nos bénévoles et les 20 photographes de la sélection finale émergent à l’issue d’un vote. La scénographie est entièrement assurée par Maud et moi puis proposée aux artistes pour validation.
Quelles sont les nouveautés de cette édition ?
Cette année, nous avons une nouvelle identité visuelle, de nouveaux hors les murs que nous avons dédiés à la cause environnementale et que nous avons baptisés « le jardin n’est pas Clos ». Notre village et les différentes communes qui les accueillent sont dans le parc naturel de la vallée de Chevreuse. Il était nécessaire pour nous de rendre hommage à cette nature qui nous entoure. Nous avons aussi de nouvelles structures dans le parc pour accueillir les photos. En lien avec l’association Helium, nous avons investi le lavoir du village avec le travail d’une de nos artistes.
Le genre. C’est le thème choisi par les élèves du lycée jean Monet. Un mot quant à ce processus de collaboration et ce qui en a émergé ?
J’ai adoré travailler avec les jeunes du Lycée Jean Monnet de La Queue-Lez-Yvelines. Nous avons fonctionné sous forme d’ateliers. Je suis allée les voir à quatre reprises pour préparer une prise de vue dont ils allaient être les acteurices principaux. Nous avons d’abord défini le sujet sur lequel iels souhaitaient travailler et ensuite nous avons réparti les élèves selon les étapes de production : une équipe se consacrant à la partie vestimentaire, une dédiée au maquillage, une autre à la lumière et enfin, des modèles et des photographes. Nous avons ensuite réalisé ces prises de vue.
Je trouvais normal, étant donné ce travail que nous étions en train de produire à plusieurs mains, de leur proposer de choisir le thème de notre appel à candidatures. Pour cette édition, iels ont choisi le genre, tout comme iels ont choisi de travailler elleux-mêmes sur les stéréotypes de genre. On sent qu’il y a un vrai questionnement derrière tout cela et que le sujet les travaille beaucoup.
Peux-tu nous en dire plus sur le choix du focus de cette année ? Pourquoi la maternité ?
Parce qu’il y a une forme de tabou autour de la maternité. C’est un événement qui a beaucoup d’incidence sur la vie d’une femme bien sûr parce qu’elle devient maman, mais aussi parce que socialement ça modifie tout son parcours, sur les plans professionnels comme social. Le regard des gens autour change. On n’en parle pas, mais on doit forcément vivre cette maternité que l’on attend de nous depuis toujours. Elle nous est presque imposée par notre éducation. Alors voilà, j’avais envie de pouvoir évoquer le sujet de façon positive comme négative, sans tabou.
Quelles ont été les difficultés de cette édition ? Et la plus belle surprise ?
Les difficultés d’un festival associatif comme le nôtre, c’est toujours le budget. Donc on s’accroche, on compte et recompte, on croise les doigts pour pouvoir donner naissance au projet, et ça se répète à chaque édition.
La plus belle surprise ? L’accueil du public. Les 1000 personnes qui viennent dans le parc le jour du vernissage, celles et ceux qui passent dans la semaine et qu’il y a toujours des visiteurices, et enfin les week-ends qui sont pleins.
Pourquoi avoir choisi Marion Hislen comme marraine de cette édition ? Concrètement, quel a été son rôle ?
J’ai choisi Marion Hislen comme marraine de cette édition, avec l’accord de Consuelo et Maud, parce que c’est Marion Hislen qui m’a appris ce métier. C’est en travaillant avec elle au sein du Festival Circulation(s) que j’ai découvert le métier de curation et que j’ai décidé que ça allait être mon second métier, une de mes casquettes. Sans Marion, je n’aurais pas été capable aujourd’hui de créer mon propre Festival, donc c’était une façon pour moi de lui rendre hommage.
Concrètement cette année, son rôle a été d’avoir un regard extérieur sur la programmation, le focus et l’appel à candidatures puisque j’ai tout partagé avec elle au fur et à mesure. Son retour était vraiment important pour moi.
Que peut-on souhaiter au festival Mesnographie ?
On peut souhaiter au festival de connaître une 4e édition, puis une 5e, puis une 6e… Et surtout de trouver un super mécène qui aura envie de soutenir cette action culturelle ouverte à tous·tes.