Michael Schmelling et les trésors épars de la vie courante

23 août 2024   •  
Écrit par Milena III
Michael Schmelling et les trésors épars de la vie courante
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling

Avec My Blank Pages, paru en 2015 chez The Ice Plant, le photographe documentaire Michael Schmelling conçoit une œuvre autobiographique étonnante, qui rassemble de nombreuses images et notes personnelles.

« Les poèmes ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé », écrivait Paul Éluard. Avec ses bordures blanches qui encadrent ses clichés, laissant une certaine liberté à ces derniers pour respirer, mais aussi pour permettre à chacun·e de s’approprier l’ouvrage, My Blank Pages détient un peu de ce charme amnésique qui fait la beauté des grands recueils. Photographe underground de Chicago, associé à la scène intellectuelle et doucement ironique du livre photo américain – à l’image de Lucia Buricelli ou encore de Jonah Rosenberg – , Michael Schmelling a collaboré à une trentaine de publications avec des personnalités d’horizons très divers. Mais pour une fois, l’artiste laisse tout cela de côté. Car c’est dans l’énergie intime et subjective qu’il doit s’immerger, lui dicte un curieux murmure venu de l’intérieur, né des souvenirs et d’une nostalgie profonde pour la vie même. « C’est lorsque j’ai quitté mon studio à New York et déménagé à Los Angeles en 2012 que j’ai réalisé que la seule chose qui semblait compter pour moi, photographiquement, à ce moment-là, était un ensemble de photos de 10 x 15 cm que j’avais de mon quotidien et de mes ami·es », confie-t-il. Cette collection d’images, éléments prosaïques entassés pêle-mêle et composant l’existence journalière du photographe alors établi dans la ville qui ne dort jamais, racontent une tranche de vie, qui commence au début des années 2000, et se conclut longtemps après. L’auteur multiplie dans les marges de ses images les références manuscrites, à travers dates, citations, recettes, coupures de presse, anecdotes ou encore pensées sur la pratique photographique, à la manière d’un scrapbook ou d’un journal intime. « Autobiographie oblique d’un photographe », ainsi qu’il décrit lui-même son œuvre, dénuée d’une véritable narration, My Blank Pages évoque ce que c’est que d’être photographe et de porter au réel une attention photographique. Perspicace, lucide, le regard de Michael Schmelling se pose sur ses banales itinérances et sur la beauté incongrue de l’ennui. Il semble ainsi nous inviter, à notre tour, à créer, et recréer, à partir de tout, comme de rien.

© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
© Michael Schmelling
The Ice Plant
6.25 x 8 cm
192 pages

250 $
À lire aussi
Gang, téléréalité, patinoire disco : le monde loufoque de Jonah Rosenberg
Gang, téléréalité, patinoire disco : le monde loufoque de Jonah Rosenberg
Jonah Rosenberg navigue entre photographie documentaire, photoreportage et publicité. Installé à Brooklyn, ce jeune artiste tente «…
26 mai 2023   •  
Écrit par Milena III
Gangs de chats
Gangs de chats
Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Nikita Teryoshin a conçu Backyard Diaries, un zine…
18 novembre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d'images
© Jenny Bewer
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d’images
Dans son numéro #73, Fisheye sonde les représentations photographiques de l’amour à l’heure de la marchandisation de l’intime. À...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
© Valentine de Villemeur
Dans l’œil de Valentine de Villemeur : un réfrigérateur révélateur
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Valentine de Villemeur. La photographe a consigné le parcours de sa procréation...
01 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Yu Hsuan Chang : des femmes et des montagnes
G-Book © Yu Hsuan Chang
Yu Hsuan Chang : des femmes et des montagnes
Dans des collectes effrénées d’images, la photographe taïwanaise Yu Hsuan Chang transcrit autant la beauté de son pays que la puissance...
25 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sandra Calligaro : à Visa pour l'image, les Afghanes sortent de l'ombre
Fahima (17 ans) révise dans le salon familial. Elle suit un cursus accessible en ligne sur son smartphone. Kaboul, Afghanistan, 24 janvier 2025. © Sandra Calligaro / item Lauréate 2024 du Prix Françoise Demulder
Sandra Calligaro : à Visa pour l’image, les Afghanes sortent de l’ombre
Pour la 37e édition du festival Visa pour l’Image à Perpignan qui se tient jusqu’au 14 septembre 2025, la photojournaliste Sandra...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Marie Baranger
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d'images
© Jenny Bewer
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d’images
Dans son numéro #73, Fisheye sonde les représentations photographiques de l’amour à l’heure de la marchandisation de l’intime. À...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
Diverses espèces de requins, dont certaines sont menacées d'extinction, tandis que d'autres sont classées comme vulnérables, ont été ramenées à terre à l'aube par des pêcheurs commerciaux au port de Tanjung Luar, le lundi 9 juin 2025, à Lombok Est, en Indonésie. Tanjung Luar est l'un des plus grands marchés de requins en Indonésie et en Asie du Sud-Est, d'où les ailerons de requins sont exportés vers d'autres marchés asiatiques, principalement Hong Kong et la Chine, où les os sont utilisés dans des produits cosmétiques également vendus en Chine. La viande et la peau de requin sont consommées localement comme une importante source de protéines. Ces dernières années, face aux vives critiques suscitées par l'industrie non réglementée de la pêche au requin, le gouvernement indonésien a cherché à mettre en place des contrôles plus stricts sur la chasse commerciale des requins afin de trouver un équilibre entre les besoins des pêcheurs et la nécessité de protéger les populations de requins en déclin © Nicole Tung pour la Fondation Carmignac.
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
La lauréate de la 15e édition du Prix Carmignac vient d’être révélée : il s’agit de la photojournaliste Nicole Tung. Pendant neuf mois...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
RongRong & inri : « L'appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Personal Letters, Beijing 2000 No.1 © RongRong & inri
RongRong & inri : « L’appareil photo offre un regard objectif sur le sentiment amoureux »
Le couple d’artiste sino‑japonais RongRong & inri, fondateur du centre d’art photographique Three Shadows, ouvert en 2007 à Beijing...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger