Avec My Blank Pages, paru en 2015 chez The Ice Plant, le photographe documentaire Michael Schmelling conçoit une œuvre autobiographique étonnante, qui rassemble de nombreuses images et notes personnelles.
« Les poèmes ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé », écrivait Paul Éluard. Avec ses bordures blanches qui encadrent ses clichés, laissant une certaine liberté à ces derniers pour respirer, mais aussi pour permettre à chacun·e de s’approprier l’ouvrage, My Blank Pages détient un peu de ce charme amnésique qui fait la beauté des grands recueils. Photographe underground de Chicago, associé à la scène intellectuelle et doucement ironique du livre photo américain – à l’image de Lucia Buricelli ou encore de Jonah Rosenberg – , Michael Schmelling a collaboré à une trentaine de publications avec des personnalités d’horizons très divers. Mais pour une fois, l’artiste laisse tout cela de côté. Car c’est dans l’énergie intime et subjective qu’il doit s’immerger, lui dicte un curieux murmure venu de l’intérieur, né des souvenirs et d’une nostalgie profonde pour la vie même. « C’est lorsque j’ai quitté mon studio à New York et déménagé à Los Angeles en 2012 que j’ai réalisé que la seule chose qui semblait compter pour moi, photographiquement, à ce moment-là, était un ensemble de photos de 10 x 15 cm que j’avais de mon quotidien et de mes ami·es », confie-t-il. Cette collection d’images, éléments prosaïques entassés pêle-mêle et composant l’existence journalière du photographe alors établi dans la ville qui ne dort jamais, racontent une tranche de vie, qui commence au début des années 2000, et se conclut longtemps après. L’auteur multiplie dans les marges de ses images les références manuscrites, à travers dates, citations, recettes, coupures de presse, anecdotes ou encore pensées sur la pratique photographique, à la manière d’un scrapbook ou d’un journal intime. « Autobiographie oblique d’un photographe », ainsi qu’il décrit lui-même son œuvre, dénuée d’une véritable narration, My Blank Pages évoque ce que c’est que d’être photographe et de porter au réel une attention photographique. Perspicace, lucide, le regard de Michael Schmelling se pose sur ses banales itinérances et sur la beauté incongrue de l’ennui. Il semble ainsi nous inviter, à notre tour, à créer, et recréer, à partir de tout, comme de rien.
6.25 x 8 cm
192 pages
250 $