Mohamed Bourouissa, hors frontières

04 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Mohamed Bourouissa, hors frontières
Mohamed Bourouissa, Bracelet électronique, Courtesy de l’artiste et Mennour Paris © Mohamed Bourouissa / ADAGP, Paris, 2023
Portrait de Mohamed Bourouissa © Adeline Rapon

Depuis plus de quinze ans, l’artiste et photographe franco-algérien Mohamed Bourouissa interroge, par une multitude d’expressions artistiques, notre société, ses mécanismes et ses inégalités. Le Palais de Tokyo lui consacre une exposition rétrospective, une première en France dans une institution nationale. Cet article, signé Michaël Naulin, est à retrouver en intégralité dans notre dernier numéro.

Sweat-shirt noir à capuche tâché de peinture et cigarette à la bouche, Mohamed Bourouissa nous accueille dans son atelier de Gennevilliers sous le bruit de la ponceuse. Sa petite équipe finalise l’exposition Signal au Palais de Tokyo, rassemblant quinze ans de ses travaux. Pas vraiment une rétrospective, plutôt une démonstration de la « méthode Bourouissa », où l’œuvre n’est jamais totalement finie mais se transforme avec le temps et les projets. 

Dans son bureau, son « bordel », une toile jonche le sol, la peinture a un peu éclaboussé les murs, les plans de la prochaine exposition sont étalés sur les parois du contreplaqué. « C’est à l’image de mon cerveau, chaotique », plaisante-t-il. Dans un coin de ce bazar organisé, une exception : la bibliothèque et ses livres bien rangés. On y trouve les influences de Mohamed Bourouissa, ses inspirations, ses « obsessions ». Des entretiens avec Henri Cartier-Bresson côtoient La Prochaine fois, le feu de l’artiste franco-sénégalais Alexandre Diop. Un peu plus bas, le recueil Artistes africains : de 1882 à aujourd’hui précède L’Art urbain édité par le Palais de Tokyo ou encore New Waves de Marta Gnyp, regroupant des entretiens avec les grands noms de l’art contemporain, dont lui-même.

Mohamed Bourouissa, L’impasse, de la série Périphérique, 2007 Collection MEP, Paris. Œuvre acquise en 2008 grâce au soutien de la Fondation Neuflize Vie © Mohamed Bourouissa – Courtesy de l’artiste et de Mennour, Paris
Mohamed Bourouissa, Sans Titre, 2013, Courtesy de l’artiste et Mennour Paris © Mohamed Bourouissa / ADAGP, Paris, 2023

Le plasticien franco-algérien refuse les frontières, ne veut pas être classé, catalogué, étiqueté. Éduqué par le dessin, la culture rap et le graffiti, il est peintre, photographe, vidéaste, sculpteur, metteur en scène, musicien… Pas avare de punchlines, l’esprit vif, il se défend de vouloir « cocher toutes les cases » de la création artistique. Lui cherche avant tout l’expérience et le partage. Sa carrière artistique ? « Elle a commencé quand j’avais 6 ans ». Né à Blida, en Algérie, en 1978, puis arrivé en France enfant, Mohamed Bourouissa se rêve déjà peintre. Nourri aux mangas et aux comics, il découvre dans le dessin un moyen d’expression et d’échange, d’abord avec ses amis de Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine. Ce sera ensuite sur les murs, à coups de graff, sous le pseudo de Meko, avec son crew EP4. Quand il en parle, c’est avec un grand sourire et les yeux qui brillent. « Le crew existe encore, c’est incroyable ! J’ai retrouvé un graff d’EP4 près de chez moi, ça m’a fait rire », s’amuse-t-il. 

Images en tension

Entre les bancs de Paris-I Sorbonne et des Arts déco, il croise rapidement la route de la photographie. Resurgissent les souvenirs d’enfance d’une tante « qui adorait prendre tout le temps des photos » et des heures passées le nez fourré dans « des sacs entiers de photographies de famille »« En venant du dessin et de la peinture, la photographie amenait cette dimension instantanée », décrit-il. Mais le vrai déclic vient d’une amie, Anoushkashoot. Elle lui fait découvrir le travail du photographe américain Jamel Shabazz. Témoin d’une époque, d’un style du New York des années 1980, celui de Harlem et du Bronx, d’une identité des marges, d’une culture de la rue. Il devient le modèle, « la madeleine de Proust », de Bourouissa. « Shabazz montre les gens comme ils sont, dans leurs attitudes, dans leurs styles, dans leur identité, dans leur culture. » Même émotion devant les photos d’un August Sander ou d’une Diane Arbus. « Je retrouve chez eux cette rigueur dans la façon de faire poser les gens, de les mettre en scène dans une forme de dignité. » 

La suite de cet article est à retrouver dans Fisheye #64.

À lire aussi
Revoir Van Eyck, ces tableaux magistraux qui inspirent les photographes de Fisheye
© Romina Ressia
Revoir Van Eyck, ces tableaux magistraux qui inspirent les photographes de Fisheye
Pour aborder des sujets qui leur sont chers, un certain nombre d’artistes s’inspire de la peinture. À l’occasion de Revoir Van…
12 mars 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Mohamed Bourouissa : le chaos de ce que nous sommes, au Palais de Tokyo
Mohamed Bourouissa, Alyssia, 2022, Courtesy de l’artiste et Mennour Paris © Mohamed Bourouissa / ADAGP, Paris, 2023
Mohamed Bourouissa : le chaos de ce que nous sommes, au Palais de Tokyo
Jusqu’au 30 juin, le Palais de Tokyo accueille plusieurs expositions qui ouvrent les débats et les perspectives. En cette période…
22 février 2024   •  
Écrit par Milena III
Explorez
Le  7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
© Omar Victor Diop
Le 7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
Troisième invité du cycle "Le 7 à 9 de CHANEL", le photographe sénégalais Omar Victor Diop a offert au public du Jeu de Paume un moment...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
À l'Abbaye de Jumièges, la Tunisie tisse son histoire
Série « Intimité brodée », projet « Woven Window », 2024 © Asma Ben Aïssa
À l'Abbaye de Jumièges, la Tunisie tisse son histoire
Célébrant dix ans de coopération avec la Tunisie, le département de la Seine-Maritime met en lumière le travail de onze artistes de la...
28 mai 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Mondes en commun : le musée Albert Kahn sème un inventaire photo dans son jardin
Siân Davey, The Garden XXIII, 2023
Mondes en commun : le musée Albert Kahn sème un inventaire photo dans son jardin
Jusqu’au 7 septembre 2025, le musée Albert Kahn présente la deuxième édition de son festival de photographie contemporaine Mondes en...
23 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Ed Alcock remporte l'édition 2025 du prix Niépce Gens d'images
© Ed Alcock / MYOP
Ed Alcock remporte l’édition 2025 du prix Niépce Gens d’images
Le prix Niépce Gens d’images vient de révéler le nom de son 70e lauréat : il s’agit d’Ed Alcock. Au fil de ses projets, le photographe...
22 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Le  7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
© Omar Victor Diop
Le 7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
Troisième invité du cycle "Le 7 à 9 de CHANEL", le photographe sénégalais Omar Victor Diop a offert au public du Jeu de Paume un moment...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote...
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Sidewalk Stills © Charles Negre
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Dans Sidewalk Stills, le photographe français Charles Negre offre un regard sensible sur les déchets qui parsèment les sols des marchés...
29 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
© Thomas Paquet. Vignettage
Thomas Paquet : « imposer une économie de gestes »
À l’occasion du Paris Gallery Weekend, la Galerie Thierry Bigaignon présente, jusqu’au 31 mai 2025, une exposition personnelle de...
29 mai 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche