Thomas Amen raconte l’histoire de la nature qui l’encercle par l’épuisement photographique. À l’image des peintres impressionnistes, il compose une poésie mouvante du paysage aux allures de rêve, qui témoigne cependant de sa réalité.
Allongé dans les marguerites et dans les violettes, posté devant une étendue montagneuses, face à l’eau ou aux nuages, Thomas Amen raconte une histoire. Celle de la beauté de la nature qui l’entoure. Pour l’artiste pluridisciplinaire, musicien et comédien voix off, qui perd peu à peu son audition, la photographie est une façon d’explorer les sens de manière plus instinctive, lorsque l’image parle pour elle-même, lorsque les mots ne sont plus nécessaires. « Avec les réglages que j’utilise, exclusivement à basse vitesse, je ne vois pas ce que je photographie, je l’imagine seulement. Le flou et le mouvement intentionnel servent une approche très aléatoire, très chaotique et parfaite à la fois », explique-t-il.
En empilant plusieurs filtres polarisants devant son objectif, le photographe compose un univers où le travail de colorimétrie se réalise en post-production grâce à des méthodes de surimpression ou de distorsion de la lumière. « L’appareil photo, c’est comme mon canevas vierge que j’enduis de peinture fraîche. Une fois chez moi, je le peins à coup de touches numériques », ajoute-t-il. Ainsi, la nature se révèle, les textures se sentent sur les images de Thomas Amen. On entend presque le vent souffler dans les herbes hautes. « La nature fait tout, je suis seulement témoin de sa beauté », confesse l’artiste.
Conversation avec les impressionnistes
Thomas Amen se poste à un endroit et attend les changements de lumière, une approche rappelant celles des impressionnistes. À l’image de Monet sur son bateau-atelier qui peignait le même plan de la Seine en fonction du moment de la journée, Thomas Amen épuise son sujet. Il engage alors sans s’en rendre compte un dialogue avec ces peintres d’un autre temps : Paul Cézanne, Claude Monet, Blanche Hoschedé, ou Auguste Renoir. « Je pense que mes photographies, comme la peinture impressionniste, racontent une histoire proche du réel, confie-t-il. Elles dégagent un ressenti fort, parfois coloré, parfois sombre, à la fois abstrait et défini selon les moments illustrés. En ressort une sorte de magie, un côté imaginaire qui aide finalement à comprendre le moment plus profondément. » Mais plus que d’entrer dans un songe, l’artiste compose une expérience sensorielle. Il représente la nature comme il la perçoit, par rapport à ce qu’il ressent, ce qu’il voit ou ce qu’il imagine. « Plus je me rapproche de moments qui ressemblent à un rêve, plus cet univers que je co-crée avec la nature devient réel », dévoile-t-il.
Alors, il joue avec le grain et le flou, telles des petites touches de peinture se superposant pour former le pétale d’un coquelicot empourpré, la branche d’un arbre céleste, les flocons d’une neige immaculée. Ce rapprochement avec les impressionnistes conduit l’artiste sur un chemin dont il ne pourra se détourner. « Plus j’étudie à propos des impressionnistes, plus je m’aperçois que nous avons des approches similaires » s’étonne Thomas Amen. Une poésie visuelle se dégage dans l’air, dans l’eau, dans le bois, dans le feu et occasionnellement, dans quelques silhouettes humaines qui viennent notifier la grandeur ou la petitesse de l’environnement. « Certains moments résonnent par leur clarté, leur définition, leur netteté et ne méritent rien d’autre que d’être immortalisé. D’autres ouvrent la porte à l’exploration, à une intervention extérieure, à une perspective différente », conclut-il.