Le Grand Café de Saint-Nazaire accueille, jusqu’au 2 janvier 2022, Post Atlantica, une collection d’œuvres de Noémie Goudal encore jamais montrée au public. Un ensemble croisant la passion de l’artiste visuelle pour la science, et son amour de l’illusion.
« Mes réalisations sont un moyen de parler du temps long, en opposition au “temps de l’Homme”. Je souhaite faire le lien entre la Terre dans son entièreté et ce que les non-scientifiques perçoivent de cette planète. Car l’être humain ne voit pas le mouvement des choses, et croit donc être une entité fixe »,
déclare Noémie Goudal. Photographe et plasticienne, l’artiste née en 1984 présente, au Grand Café un nouveau corpus d’œuvres intitulé Post Atlantica. Entre images, vidéos et installations, nature majestueuse et trompe-l’œil surréalistes, elle part à l’exploration de notre planète, et tente d’illustrer, avec une curiosité à toute épreuve, diverses théories scientifiques et leurs répercussions sur notre environnement. Ainsi, Post Atlantica renvoie à notre époque, mais aussi au passé, et à ses conséquences sur le futur. « Il s’agit d’une manière de planter le décor, et d’évoquer un sujet qui me parle particulièrement : le temps. Ici, je me suis appuyée sur des recherches qui se penchent sur des traces infimes, et tentent de comprendre à quoi ressemblait une période extrêmement ancienne pour mieux interroger notre avenir », ajoute-t-elle.
La déconstruction du paysage naturel
Débute ainsi une immersion dans un parcours jonché d’illusions. Car Noémie Goudal se démarque à travers sa pratique singulière du 8e art, notamment présentée dans le cadre du parcours numérique Elles X Paris Photo. Dans ses œuvres, pas de retouches numériques, mais plutôt un remodelage du territoire, à l’aide de feuilles de papier, de pinces et autres accessoires rudimentaires. Comme une manière d’interroger notre perception de l’environnement, tout en s’abandonnant à la magie du mirage. Dans la « salle des décantations », première étape du voyage, l’autrice affiche une série de photographies prises en pleine nature. Sur les clichés pâles, paysages et images se mêlent, indiscernables l’un de l’autre. C’est en faisant fondre le papier à l’eau qu’apparait le trucage. Plus loin, un film, tourné en Poitou-Charentes dans une zone marécageuse apparaît en décalé sur deux écrans installés dos à dos. Un court métrage capturant le montage d’une de ses installations.
À l’étage du Grand Café, Phoenix, une série consacrée à des palmiers, exposée dans la pénombre présente des glitchs organiques captivants – un résultat obtenu en effectuant un tirage échelle 1 des arbres, puis en les découpant en bandes, pour ensuite les replacer devant la scène originale. « Il y donc une oscillation entre les images du cadre et le véritable paysage derrière », précise-t-elle. Dans la salle voisine, une vidéo happe les visiteurs, qui contemplent, abasourdis, un décor naturel s’enflammer… Jusqu’à révéler, dans le chaos qui suit l’incendie, un décor de bois. Le périple se termine au rez-de-chaussée, face à une grotte faite de papier, qu’on n’aperçoit dans sa globalité qu’en se plaçant précisément en face. « J’ai ici expérimenté avec une anamorphose, inspirée par les stéréoscopes, ces boîtiers à doubles objectifs, qui permettent de regarder deux images séparément et de voir une figure apparaître en 3D. Grâce à un stratagème de déconstruction du paysage naturel, j’en fais quelque chose d’artificiel », confie la photographe.
L’avancement implacable du temps
Immersive et merveilleuse, Post Atlantica joue avec les sens et invite le visiteur à douter de sa propre perception. Une recherche plastique prenant racine dans une profonde fascination pour la science. Si Noémie Goudal ne se revendique pas « photographe engagée » ou « écolo », ses créations demeurent étoffées par ses nombreuses recherches. « J’ai notamment découvert la théorie de Buffon (naturaliste, mathématicien, biologiste et philosophe français du 18e siècle, NDLR), qui s’appuie sur la création du monde biblique et propose de séparer la création du monde en sept époques. C’est révolutionnaire – il est l’un des premiers à évoquer l’ère anthropocène ! », remarque l’artiste. De la Théorie de Gaïa – concept philosophique proposant de percevoir la Terre comme une entité vivante, et tout ce qu’elle comporte comme interdépendants – à la dérive des continents, en passant par les mouvements de paysages, chaque création propose un clin d’œil à l’évolution de notre monde, et à la place infime qu’occupe l’Homme au sein de cette métamorphose.
Une métamorphose qui nous apparaît particulièrement marquante, confrontés à l’irruption du feu dans le second court-métrage présenté. « Cette réalisation est liée à la découverte d’un scientifique écossais qui avait mené des études en Antarctique, et trouvé des gisements de houille. Une présence plaçant des forêts tropicales à cet endroit de la planète ! Cela présentait donc une preuve que la zone était autrefois beaucoup plus proche de l’équateur », poursuit la photographe. Et, face aux flammes qui montent, à la chaleur qu’elles évoquent, au chaos qu’elles répandent, face aux trompe-l’œil remarquables de Noémie Goudal, le visiteur ne peut que constater sa petitesse, au cœur des grands mouvements universels, de l’avancement implacable du temps.
Jusqu’au 2 janvier 2022
Le Grand Café, place des 4 Z’horloges, 44600 Saint-Nazaire
© Noémie Goudal