Publié aux éditions du Seuil, La Fabrique du prince charmant – Plus grande arnaque depuis l’invention du jacuzzi est un roman-photo plein d’humour qui confronte le sexisme des années disco au féminisme d’aujourd’hui. Ses deux autrices, Ovidie et Sophie-Marie Larrouy nous racontent ce projet décapant.
Imaginez la panoplie du parfait dragueur des années 1970-1980, avec son look pattes d’eph, chemise ouverte et veste en cuir ; avec ses lunettes aviateur sous des sourcils circonflexes ; avec un aplomb dont la force décoifferait presque son brushing nuque-longue. Prenez-le et plongez-le dans un monde post-Metoo où les femmes ont repris le contrôle face au sexisme et à la misogynie, vous obtiendrez La Fabrique du prince charmant – Plus grande arnaque depuis l’invention du jacuzzi (Seuil, mai 2024), une suite d’histoires drôles et savoureuses. Sous la forme d’un roman-photo, Ovidie, réalisatrice de documentaires, et Sophie-Marie Larrouy, comédienne et humoriste, racontent l’évolution des rapports femmes-hommes. Pour soutenir le propos, l’iconographie rétro confronte le langage contemporain, tandis que les revendications féministes, elles, semblent intemporelles.
Au fil des pages, les deux autrices nous présentent des personnages aussi fantasques qu’attachants : à commencer par « Jean-Michel Déconstruit », qui n’épargne pas sa compagne de la charge mentale. Il y a aussi cet « Incel » qui saute sur la moindre occasion pour montrer qu’il est en possession d’un gros boîtier, mais ne comprend toujours pas la raison de son célibat. Le « Cookies Man », quant à lui, tente d’attirer les filles à coups de références féministes piochées sur Madmoizelle. Jusqu’à « mamy Ovidie », qui raconte quelques années plus tard à sa petite-fille le soulèvement contre le patriarcat et la révolution qui s’ensuivit après que le président Macron a nommé DSK ministre des Femmes en France en 2024.
Cesser de se laisser emmerder
Ces récits rocambolesques ont pris vie chez Ovidie, à la campagne, où elle avait convié sa coautrice à la rejoindre. « J’ai été flattée, curieuse, intriguée. Je me suis sentie challengée, détaille Sophie-Marie Larrouy. J’ai pleinement confiance en Ovidie. Elle n’arrête pas de dire qu’elle n’est pas marrante, alors qu’elle est hilarante. » Les deux se connaissent par cœur. Il faut dire que leur première collaboration autour de projets audiovisuels remonte à 2019. À nouveau réunies pour la création de ce livre, « on a bien rigolé, se souvient la réalisatrice. On était là, à raturer avec notre Tipp-Ex de vieux romans-photos étrangers. Il y avait un côté travaux pratiques pour femmes en voie de reconversion [rires] ». Leur fil rouge ? Faire prendre conscience que « le prince charmant est une construction sociale toute pourrie qui nous empoisonne et dont il faut se débarrasser. Et qu’il est temps d’arrêter de se laisser emmerder ».
Pour faire le tri entre les images, Sophie-Marie Larrouy explique avoir été « inspirée » par ce qu’elle avait pu voir enfant dans les salles d’attente. En feuilletant ces vieux romans-photos, une impression commune s’est dégagée : « C’était déjà tellement sexiste qu’on s’est dit qu’il n’y aurait presque rien à changer. » Très vite, elles se répartissent le travail. Ovidie développe tout au long de l’ouvrage un feuilleton pour nous conter les péripéties de Jean-Michel Déconstruit. Quant à sa coautrice, elle a imaginé les intrigues entrecoupant ce feuilleton. Cela dit, « chacune a ajouté sa touche dans les histoires de l’autre », précise la réalisatrice.
La suite de cet article est à retrouver dans Fisheye #66.